Grosse journée aujourd'hui, nous avons pas mal de route à faire et de choses à voir. Le petit déjeuner nous est annoncé en frappant à la porte de la chambre, au cas où les bonnes odeurs de cuisson ne nous seraient pas montées jusqu'au nez.
Nous descendons dans la cuisine, aménagée en cuisine/comptoir de service/salle de restauration. Madame prépare les repas sur une énorme cuisinière antédiluvienne - je me demande même si elle fonctionne à l'électricité ou au bois - avec deux énormes plaques chauffantes. La déco est très rustique : beaucoup de petits panneaux artisanaux "meilleure cuisinière", "love is all" se partagent les murs avec une impressionnante collection de têtes d'hommes en bois à la manière des sculptures de visages de marins bretons.
Les assiettes sont conséquentes et tout est bon : nous avons droit à notre premier petit déjeuner traditionnel écossais avec une saucisse, des haricots à la sauce tomate sucrée (baked beans), une tomate cuite, des rondelles de pommes de terre frites, un œuf au plat, quelques champignons avec une tranche de bacon et une tranche de black pudding qui ressemble à notre boudin noir à cela près que je lui trouve un sérieux goût de cannelle pas mauvais finalement. Tout cela arrosé de jus d'orange et de thé ou café, au choix.
Ozzie et Diane sont sympathiques et lui n'a pas la difficulté d'élocution de hier... ni les yeux aussi boursouflés. Je crois bien que j'avais raison sur son état de la veille. Nous discutons quelques instants puis nous disons au revoir, poignées de mains chaleureuses et nous voilà partis vers de nouvelles aventures.
ELGIN
D'abord, c'est station service car la voiture est à sec. Les prix sont sensiblement les mêmes qu'en France il me semble. Puis nous filons au nord vers Elgin, une petite ville adorable où trônent les impressionnantes ruines d'une cathédrale construite au 13e siècle avant qu'un comte revenchard et furieux d'avoir été excommunié la fît incendier en 1390. Puis elle fut rebâtie, dévalisée et laissée à l'abandon après la Réforme en 1560 jusqu'à ce que la tour centrale s'effondre en 1711.
De nos jours, les restes majestueux de la cathédrale d'Elgin se dressent encore fièrement vers le ciel, les arches et les voûtes s'élancent dans le vide, de manière un peu irréelle. Une superbe visite.
LOCH NESS
Nous longeons la côte vers l'ouest jusqu'à la capitale des Highlands, Inverness, et son joli front de rivière, la Ness, puisqu'elle est alimentée par le célèbre lac plus au sud. Et en avant pour le Loch.
Le Loch ("Lorr" en écossais, pour dire "lac") Ness se trouve comme 3 autres de ses congénères sur une faille géologique qui divise les Highlands en deux. Les différents lacs qui s'enchaînent entre Inverness au nord-est et Fort William au sud-ouest sont désormais reliés par un canal à 29 écluses. Le Loch Ness mesure jusqu'à 2 km de large pour 35 km de long et atteint 230 mètres de profondeur devant le château Urquhart où nous nous rendons. 230 mètres, c'est plus profond que la Mer du Nord, quand même, ainsi que certaines zones côtières de l'Atlantique. De quoi nourrir tous les fantasmes de monstres marins.
De monstre nous ne voyons point, mais la route est de plus en plus engorgée au fur et à mesure que l'on se rapproche du château. Le temps est parfait : ni chaud, ni froid, de beaux nuages blancs potelés et un gros soleil nous offrent une magnifique première vue du lac. Nous ne nous arrêterons pas au centre dédié au monstre du lac, Nessieland, d'abord par manque de temps (tiens, c'est nouveau) puis parce que les lieux sont blindés de touristes. Pas de photo avec Nessie donc, et apparemment ici, rien n'est prévu pour ne serait-ce qu'aller au bord du rivage ou toucher l'eau. Le seul moyen : payer le ticket de visite du château pour aller déambuler entre 4 murs ruineux sur une pelouse foulée par des centaines de visiteurs. Nous repartons. (Entendons-nous bien, lecteur : ce ne sont pas les 4 murs ruineux qui nous gênent, c'est le tout, que cela soit dit.)
CÔTE NORD-EST
Nous montons le dernier tronçon de côte jusqu'à l'ultime nord de la Grande-Bretagne. Nous parcourons environ 170 km sur une route nationale côtière sans trop de circulation. Plus nous montons, plus le paysage se désole. De vert et fourni dans la banlieue d'Inverness, il devient de petit à petit plus minéral et foncé jusqu'à ce que nous atteignions une contrée plate, morne et vide, à perte de vue.
Nous passons à un moment le panneau d'une soi-disant village fantôme, Badbea, qui n'est en fait qu'un ancien village de paysans qui durent, au début du 19e siècle, changer de mode de vie car les propriétaires terriens de l'époque abandonnèrent complètement l'agriculture au profit des élevages intensifs d'ovins. L'épisode des clearances fut dramatique pour bon nombre de paysans qui durent tout bonnement plier bagage et aller s'inventer une nouvelle vie ailleurs. Certains s'installèrent sur cette côte inhospitalière et tentèrent de survivre en devenant pêcheurs ou plus rarement ouvriers dans de petites usines locales. Vraiment, de la survie ici. Une vache, quelques poules qu'il fallait attacher par jour de grand vent, quelques rangs de patates et c'est tout ce qui constituait leur vie d'alors. De 61 personnes en 1841, elles n'étaient plus que 16 en 1901.
Nous avons choisi de ne pas nous arrêter à Badbea. Il ne reste vraiment pas grand-chose d'après ce qu'on a vu sur le net, mais en traversant ce paysage triste, l'histoire de ces familles me revient et imaginer leur survie dans cette contrée hostile me fait froid dans le dos.
Nous poursuivons notre chemin jusqu'à Wick, dernier village avant notre ultime visite de la journée : un château !
CASTLE SINCLAIR
Alors celui-là, il est destroy de chez destroy, comme dirait ma grand-mère. On quitte la nationale et on rentre dans Wick. C'est Pentax qui conduit la chariotte. C'est donc lui qui prend de nouveau une route à contresens, et cette fois, on ne tombe pas sur une mamie patiente mais sur une femme qui nous maudit jusqu'à la vingtième génération. Et elle a raison, on aurait fait pareil à sa place.
Nous prenons les directions directement du Routard : le château n'existe tout simplement pas sur nos GPS. Les routes se rétrécissent de plus en plus jusqu'à ce que nous arrivions sur de longues voies sans fin qui traversent des champs, puis nous arrivons au bout du bout de la terre : un phare. Après, la mer.
C'est bien ici. Le Routard nous prévient : de loin, le château ne paye pas de mine, mais il vaut le détour.
Soit. La première phrase est très, très vraie. Il ne ressemble à rien, de loin. Nous garons la voiture. D'autres touristes en reviennent. Il faut emprunter un chemin à travers champ avec des barrières à vaches. Nous y sommes en 5 minutes.
Nous nous faisons attaquer dès la sortie de la voiture par les bestioles auxquelles nous ne pensions plus : les fameux midges ( "midjiz"). De la taille d'un demi-moustique, il y en a absolument partout, ça vole dans tous les sens, on dirait qu'ils sont bourrés, et ils viennent se coller à ton visage, lecteur chanceux de ne pas les connaître, cherchant absolument un contact prolongé avec ta peau et tes odeurs; Et ils piquent, aussi ! Et puis, qu'est-ce qu'ils sont cons, ces midges, autant le dire de suite : le midge n'est pas réputé pour être une lumière, même parmi les plus crétins des insectes volants. Il te rentre dans les yeux, dans le nez, j'en ai d'ailleurs ramené une jolie collection dans ma barbe, je me les garde en cas de petit creux cette nuit. Pff, non mais j'te jure, les moustiques, déjà, ça fait iech tout le monde et ça sert à rien, mais les midges... Non seulement ça sert à rien mais il sont si abrutis et légers (probablement à cause de leur manque de cerveau) qu'au moindre coup de vent, ils se font envoler sans rien pouvoir faire ! Aussi stupides qu'un chien avec un cône autour de la tête. Bref, je hais les midges.
Et ce sont donc eux qui nous accueillent et nous accompagnent tout le temps de la visite. Le château est en très, très mauvais état. Ceux qu'on a vus depuis notre arrivée sont des palaces, en comparaison. Mais il est construit de telle sorte qu'il semble véritablement émerger du roc sur lequel il se dresse, lui-même sortant des eaux, en bordure de crique. Ici ce n'est pas du granit, c'est une espèce de pierre qui forme des empilements horizontaux, comme des galets écrasés.
Du bâtiment original, il ne reste pas grand chose d'identifiable. Je parcoure les ruines envahies par les herbes, enjambe des barrières de protection (ça ne serait pas marrant autrement), c'est même à se demander pourquoi il n'est tout bonnement pas fermé complètement tellement sa tour, entre autre, menace de s'effondrer. D'ailleurs, l'un des murs est soutenu par des échafaudages qui semblent être aussi vieux que la bâtisse...
En contrebas, nous passons un moment dans la crique encaissée entre la falaise du château et celle du rivage. Les visiteurs précédents se sont amusés à empiler les galets en petits monticules un peu partout, c'est assez étrange comme décor, on se croirait dans un endroit fréquenté par des sorciers ou des druides. Pas très catholique, tout ça. Mais en même temps, nous sommes en Ecosse.
THURSO
Nous arrivons vers 20h30 à Thurso chez Elaine, notre hôte de ce soir. Très gentille mais au premier abord assez austère, tout de noir vêtue, la coupe au carré stricte, le sourire très économe. La maison est une bombonnière. De la moquette épaisse comme une fourrure de yach partout, il faut d'ailleurs enlever ses chaussures dans le vestibule. La chambre est petite mais confortable, une fois dégagés tous les coussins, rubans, couettes et édredons qui "décorent" l'endroit.
Demain, c'est lever tôt, on prend le bateau et on monte encore plus au nord : dans les Orcades.
Notre Avis sur 5
... qui n'engage que nous!
The Old Manse B&B (Booking) : 🤩🤩🤩🤩
✅ A la campagne, cadre sympa, super petit déjeuner.
❌ Un peu cher (env. 84€/nuit, p. déj. compris)
Cathédrale d'Elgin : 🤩🤩🤩🤩
✅ "la lanterne du nord". Une des plus belles ruines d'Ecosse.
Loch Ness : 🤩🤩🤩
✅ surprenamment grand. Couleurs fantastiques par beau temps.
❌ accès difficile voire impossible côte ouest sans payer.
Castle Sinclair : 🤩🤩🤩
✅ TRÈS en ruines! Mais architecture et structure incroyables.
❌ Visite pénible à cause des midges, en été.
