Le Beau Site
FRANCE - 2014
Ce domaine du "Beau Site" s'étend sur quelque 11 hectares de broussailles et de constructions de parpaings avortées sur des côteaux près de Bordeaux, surplombant la vallée de la Garonne. Le bâtiment principal, une chartreuse de style néo-classique, fut bâtie au 19e siècle par le politicien-négociant Nathaniel Johnston et aurait été déclarée par Napoléon III (qui fut le tout premier président de la République en 1848 avant d'être proclamé Empereur des Français 4 ans plus tard) "l'une des trois plus belles propriétés du bordelais".
Plusieurs projets immobiliers (complexe hôtelier de luxe puis logements collectifs et maison de retraite) se sont soldés par des échecs dont le dernier en 2011. Domofrance a semble-t-il racheté l'ensemble en 2012 pour un peu plus de 6 millions d'euros dans l'espoir de finaliser un nouveau projet architectural. |
Alors que nous avions décidé de revenir sur un site déjà visité (je n'avais pas mon appareil photo avec moi ce jour-là, juste mon téléphone), je découvre sur internet un "nouveau" site pas très loin que nous ne connaissons pas....Les rares bâtiments indiqués explicitement sont en général soit déjà réhabilités, soit démolis, bref, peu d'intérêt. Mais comme ce n'est pas loin, au diable. C'est le 11 novembre, il fait gris, on est "en vacances". Nous prenons la route. On verra bien. Traversée de Bordeaux facile, peu de circulation puis nous nous mettons à grimper, grimper, comme à la montagne. Je ne connaissais pas cette partie de la CUB. Le coteau de la Garonne est plus élevé qu'il n'y paraît. Nous garons la voiture sur le bas-côté. Nous ne passons pas par l'entrée principale qui se trouve de l'autre côté de la propriété de 11 hectares et des brouettes. Une autre rue en contrebas. Ici, nous sommes "au-dessus" du domaine et justement, la clotûre en piquets et fils de fer est à terre. Nous ne sommes évidemment pas les premiers. Pentax s'arrête un instant. "T'as vu le panneau?" "Oui, mais c'est pas pire qu'ailleurs. C'était juste jamais précisé avant." Une pancarte clouée sur le tronc indique "INTERDICTION D'ENTRER - DANGER DE MORT".
Ah oui quand même. Mais cela ne peut effectivement pas être pire que chacune de nos précédentes expéditions. Les bâtiments sont parfois dans un tel état de délabrement qu'il faut bien réfléchir où l'on met les pieds ou ne s'appuyer sur aucun pan de mur. Le plus tentant et certainement les plus dangereux sont les escaliers. Moi, je les monte collé au mur pour offrir moins de poids sur la marche si elle n'est pas soutenue. Le côté scellé devrait a priori être plus résistant... Bref. Nous pénétrons par l'arrière du domaine. Bel Sito, puisque c'est son nom, est une propriété de quelque 11 ha de brousailles et d'arbres sur un coteau de Garonne avec vue sur la rive gauche. La ruine que nous cherchons est une magnifique chartreuse du XVIIIe siècle, dans un état de délabrement fort avancé. Mais nous pénétrons par l'arrière, donc nous trouvons d'abord des structures de parpaings, des rez-de-chaussées de constructions avortées, taggées, disséminées par blocs sur le terrain. Les photos ne valent pas grand chose, à mon sens, mais j'en prends quand même. Un puits barricadé de grilles nous attend. Nous passons la barrière et shootons. Pentax s'amuse même à descendre le long de cette échelle rouillée pour aller inspecter cette ouverture, quelque 2 mètres plus bas.
Le puits est à sec, mais bien profond, il ne s'agirait pas de glisser. Puis je délaisse Pentax et cet affreux bloc de parpaings et ses gaines de plastique gris qui pendent des plafonds pour prendre un sentier plus à l'est. Tiens, y'a des gens qui se promènent. Avec des enfants. C'est bizarre, quand même. Au bout du sentier, je tombe nez à nez avec la Chartreuse, éclairée pleine façade par le soleil presque couchant. On dirait la Maison Blanche (avec un peu d'imagination). Les gens sont déjà sur la droite du bâtiment, à inspecter une pièce depuis l'extérieur et je peste pour qu'ils partent vite, car la lumière ne m'attendra pas. Ils me regardent l'air de se dire ce que je fabrique avec mon sac à dos, mon trépied et mon appareil, et je les ignore. Puis ils partent, enfin. Olivier arrive et c'est la razzia. Nous entrons dans le bâtiment et nous attaquons méthodiquement à chaque pièce. Des portions de toits sont effondrés, comme des plafonds et leurs planchers qui bloquent notre progression dans certaines plièces. Dans d'autres, on est obligé de marcher sur des tas de tuiles cassées, de poutres pourries, de bidons et de déchets laissés par les taggers qui sont venu décorer (un peu trop) les murs. Des volées d'escalier mènent nulle part, des pans de murs ne soutiennent plus rien.
Le sous-sol est d'un noir épais, Olive dérange même une chauve-souris. Nous passons par ce qui ressemble à une cave effondrée, pulvérisée par le plafond. Des débris de bouteilles jonchent le sol (mais pas une étiquette...). La visite se poursuit à l'étage. La montée est un peu dangereuse, même si les marches semblent encore solides. Le plancher du haut, par contre, est pourri et je regarde à deux fois avant de poser le pied. Je suis les poutres du rez-de-chaussée, c'est excitant, un vrai petit aventurier. Je pense qu'à tout moment je peux me retrouver en bas, ou pire, mais qu'importe, je continue à shooter. Il faut que j'aille au bout de ce couloir, voire chaque pièce, regarder par la fenêtre. Pentax, lui, se rapproche d'un plancher effondré, que moi j'ai pris d'en-dessous. Nous y restons près de deux heures sans voir une minute passer. La nuit tombe déjà. C'est toujours pareil, on se dit à chaque fois qu'il faut arriver sur les sites plus tôt que 15 ou 16h. Mais bon, on a un bon stock de photos quand même.