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Il devient difficile de se lever. Nous dormons à l'envers dans nos lits car le radiateur est généralement placé sous la fenêtre, juste derrière les oreillers. Donc nous nous couchons face à la fenêtre. Et comme il ne fait jamais vraiment nuit... Encore une fois, heureusement qu'on a nos masques de voyage. Ça fait mémère mais c'est fort utile.

Super petit dej dans une salle assez class, à l'image de cette Comfy Guesthouse. Les 3 Américains qui nous ont suivis hier soir au pub sont là à manger. Nous faisons le plein d'énergie : les wasa avec en prime du pain fait maison, légumes, oeufs et confiture. Ce n'est qu'après avoir tout englouti que je me rends compte que derrière Olive trône la machine à gaufres! C'est notre avant-dernier petit déjeuner inclus... Ça se fête! On se finit donc à la gaufre, exquise avec de la confiture ou de la pâte à tartiner saveur noisette (mais pas Nutella).

 

LES SORCIÈRES D'HÓLMAVÍK

 

Aujourd'hui, c'est direction Hólmavík, au-delà de six fjords que nous devons soit longer, soit traverser. Heureusement la route est goudronnée. Nous avons un Musée de la Sorcellerie à voir puis à enjamber le fjord local pour aller faire trempette dans un hot pot, une source d'eau chaude naturelle.

 

 

Sur la route, nous croisons un nombre incalculable d'églises fièrement dressées face à la roche ou à la mer, les murs blancs et le toit rouge, toutes conçues sur le même modèle : une maison simple surmontée d'un clocher à l'entrée. Elles se détachent nettement du paysage et le plus frappant c'est qu'elles sont parfois isolées avec aucune habitation autour. Qui vient ici ?...

Nous faisons un arrêt "phoques" en chemin, puis nous nous apercevons que le réservoir est dangereusement vide. Nous n'avons pas fait le plein ce matin et ne savons pas quand nous croiserons la prochaine station. C'était pourtant marqué dans nos guides : ne jamais attendre d'être à sec pour refaire le plein ! Mais Monsieur GPS est là qui veille sur nous et nous indique en un temps trois mouvements la plus proche station, à 7km. Ouf. Sur une langue de terre, à côté d'un hôtel et rien d'autre. 1 seule pompe. Faut pas la manquer.

 

 

Nous arrivons à Hólmavík vers 14h. Nous tombons sur un petit supermarché qui fait cafétéria et notre bonheur. Des tortillas islandaises pour déjeuner, pas mauvaises en plus. Nous sortons de table une heure après et nous rendons au Musée de la Magie et de la Sorcellerie.

L'Islande a subi une chasse aux sorcières des plus violentes au 17ème siècle, où la pauvreté régnait dans les campagnes comme ailleurs et lorsque des familles nobles possédaient les terres de toute une région en plus de détenir les postes de pouvoir politique, il était très difficile de vivre décemment, et plus encore d'imaginer même s'enrichir. Les paysans avaient donc recours à la sorcellerie pour agrémenter le quotidien et régler les petits problèmes. Une vingtaine de sorciers furent brûlés au bûcher dont une femme. Le musée retrace l'historique des persécutions et expose des grimoires et autres reconstitutions d'artefacts ayant servi dans les envoûtements ou les condamnations.

Très intéressant, particulièrement les fameux necropants qu'ils ont traduit en français par les "nécroculottes" qui sont une manière bien particulière de s'enrichir : L'homme qui voulait devenir riche devait avoir l'accord d'un mourant pour le déterrer une fois trépassé et lui enlever toute la peau des membres inférieurs sans aucun trou ni déchirure. Il obtenait alors des "pantalons de mort" qu'il enfilait. Ce vêtement se mêlait à sa peau. Le sorcier devait également avoir dérobé des pièces à une veuve désargentée et placé une pièce dans le scrotum du mort... Je continue ? Lorsqu'il enfilait ce pantalon, il avait toujours des pièces à disposition : il n'avait qu'à se frotter les bourses ! Mais malheur à lui s'il venait à mourrir en le portant car son âme errerait à jamais. Au contraire, s'il trouvait un remplaçant, il devait désenfiler le pantalon par une jambe et l'autre homme devait l'enfiler en même temps par l'autre. Bref, très compliquée, cette affaire (pour vous éviter les hauts-le-coeur, les necropants exposés sont une reconstitution en latex, pas des vrais!).

Et je ne mentionnerai pas les tilberi, ces côtes de cadavres volées dans un cimetière que les femmes devait enrouler de laine grise et faire grandir entre leurs seins avant de les envoyer, tels de gros vers, voler le lait des brebis et des vaches alentours pour en fabriquer du beurre. Les bêtes se nourrissaient ensuite d'un troisième téton que la sorcière se fabriquait en découpant une partie de la peau de sa cuisse.

Ils avaient beaucoup d'imagination et bien peu de divertissements à l'époque, ces gens-là. Mais lorsqu'on voit comme leurs descendants vivent encore, je veux dire le cadre, c'est compréhensible. Ajoutons à ces histoires que les accusateurs de l'époque était souvent aussi des accusés, et parfois de la même famille ! On imagine aisément l'ambiance des fêtes de villages ou des réunions de famille !

 

PLOUF

 

Nous devons nous aérer l'esprit. Je trouve en face du musée une petite boutique de vêtements tricotés où j'achète un cadeau pour ma fille puis nous voilà partis pour Drangsnes, de l'autre côté du fjord, à la recherche des fameux hot pots, ces sources d'eau chaude naturelle.

 

 

Nous les trouvons sans peine, en bordure de route. Trois jacuzzi en contrebas, en face de l'église, ou mijotent un couple plus âgé. Olivier me lance un regard de chien galeux genre "on va pas y aller, hein?"

Et comment. Il réclame des "thermes" depuis notre arrivée et maintenant qu'on les a, il n'en veut plus ! Bon c'est vrai que sur le coup, ça fait un peu la misère, le long de la route. A côté de l'église, il y a deux cabines de douche. Car en Islande, il faut se doucher intégralement au savon et sans maillot avant d'aller dans un bain ou une piscine, les eaux naturelles n'étant pas traitées chimiquement. Court conciliabule entre Pentax et Nikon, dont les objectifs sont manifestement différents (ah ah).

Et nous voilà garés devant l'église. Je vais tester l'eau, les gens sont souriants, détendus et on papote un instant. Il paraît que ça ferme à 18h et il est 17.50. Plus une hésitation : je prends mon maillot, la serviette, file dans la cabine de douche, me déshabille, me douche au savon, enfile mon maillot, traverse la route comme un pingouin en mal de banquise et hop, dans l'eau !

On me conseille le premier des trois bains, celui de gauche. L'eau est à environ 30 degrés. Bon évidemment la traversée de la route en maillot lorsqu'il fait 5 dehors est un peu délicate, mais par chance, il y a peu de voiture. L'eau est un vrai délice. Ca bouillonne légèrement, c'est chaud alors que l'extérieur est froid. Olivier ne vient pas. Il est encore dans la cabine, à la douche.

Le vieux couple s'en va après un instant. Un autre les remplace. Des locaux. Ils ont l'habitude. Il viennent avec leur tubes et leur tabac et se roule une clope. Puis repartent. J'attaque le second bassin. Ouh. Plus chaud. On est dans les 35/37 degrés. Que du bonheur. La vue est magnifique : pas la route, mais de l'autre côté. Le fjord est calme, on n'entend que l'eau qui déborde doucement des bains, renouvelée constamment par le fond. Avant de partir, le monsieur m'annonce que le troisième bain est très, très chaud. Il ne m'en faut pas moins pour me faire changer de bassin.

J'enjambe donc le bord et plonge mon pied dans l'eau du troisième. La jambe blessée de hier. Faute de trouver des pansements adéquats, j'avais acheté des gants Mapa pour les découper et me faire une protection waterproof de mon bobo mais dans la précipitation, je n'ai rien mis. Au diable la protection !

La chaleur de l'eau me rappelle de suite à l'ordre. J'ai l'impression que ma jambe, et encore plus ma blessure, est saisie. Cautérisée. Je suis néanmoins plongé tout entier dans l'eau, probablement à 40 degrés et quelques brouettes, c'est vraiment chaud. Mais on s'habitue vite en fait. Je n'en ressortirai pas.

Olivier arrive finalement et nous sommes rejoints par un groupe de quatre Américains "mûrs" de diverses origines (mexicaine et colombienne pour les femmes). Ils ont apporté du vin rouge, des gobelets et des cacahuètes ! Elle est pas belle, la vie ?

Nous discutons dans toutes les langues, c'est super sympa, et je filme la scène avec ma GoPro que j'avais évidemment sous le coude. Puis je la pose sur un côté du bain en lattes de bois. Nous trinquons, plaisantons. Le temps n'est pas vraiment de la partie, pas de soleil, mais il n'y a pas beaucoup de vent et il ne pleut pas, et on pourrait être aveugle, culs-de-jatte et manchot à Mumbai et ne pas avoir mangé depuis la mort de notre famille entière, décimée par un tueur en série. Alors nous ne nous plaignons pas. Nous sommes bien. Très bien.

 

J5 hg1

 

Et là, c'est encore le drame : un faux mouvement et ma caméra bascule dans le coffrage des baignoires. Il manquait une latte et je n'ai pas fait attention. La catastrophe. Elle était en train de filmer et maintenant elle est dans 2 cm d'eau au pied de la cuve et j'étends le bras autant que je peux à travers le trou de la latte mais il me manque 10 bons centimètres pour l'atteindre. Pffff Chidambaram ! (expression de dépit qui me vient de mon dernier voyage en Inde).

 

 

C'est à croire que cette caméra est hantée. Elle a déjà fait le coup à un pote à l'île Maurice cet hiver, qui l'a perdue en plongée. Elle a passé une nuit à 60m de profondeur et a été retrouvée le lendemain... C'est à croire qu'elle a décidé de me faire chier jusqu'au bout.

Par chance, au bout d'une dizaine de minutes, je retourne près des cabines de douche, trouve un vieux fil de fer qui me sert à la crocheter. Le tour est joué. Il me tarde de voir le film !

Nous restons à macérer près de deux heures. Deux Autrichiens arrivent, puis deux autres Français. Les gens qui passent en voiture un peu plus haut nous regardent, curieux (envieux?). Une personne qui ressemble à Iggy Pop passe une fois, puis une autre fois et nous demande si l'eau est bonne. Ah, c'est une dame apparemment. On se demandait. Tout le monde s'esclaffe discrètement. Elle nous dit qu'ils sont dans deux véhicules avec 12 enfants mais qu'ils ne viendront pas car il n'y aurait pas assez de place et ils seraient trop bruyants. Oui, effectivement, il vaut mieux repartir, Madame Pop.

Puis les Autrichiens repartent aussi, et les Américains, et nous restons un moment à discuter avec les Français. Moi, je me sens de plus en plus comme un œuf, ou un homard : bouilli. Et étourdi par les vapeurs de soufre qui se dégagent de l'eau. Je sors du bain et reste un moment assis dehors à discuter, entre deux bassins, en plein air, en maillot, mouillé, à 5 degrés, et je suis tellement brûlant que j'y reste pas loin de 5 minutes sans avoir froid.

Nous repartons vers 20h. On se sent tout mou, tout bien, tout propre, la peau douce et l'esprit libre. Il ne manquait plus que les baleines et ç'aurait été parfait.

 

40 minutes plus tard, nous arrivons à notre guesthouse du soir, une ferme perdue dans la campagne. Nous prenons possession de notre chambre, notre hôte nous montre les aménagements (cuisine, salle de bain) et nous rencontrons Brad. Bradford Richardson. La cinquantaine, l'œil pétillant (il le sera moins plus tard dans la soirée, après avoir descendu quelques gobelets de bourbon). Il nous offre à boire en s'adressant à Olive, qui refuse poliment. Et moi je passe à la trappe. Pas grave.

Nous discutons une bonne partie de la soirée. Il est là pour un enterrement de vie de garçon apparemment, il a démissionné de son boulot. Il était aparemment à la tête d'une société de nourriture bio au chiffre d'affaire colossal (de ceux devant lesquels on met un grand M). Mais surtout, il est photographe. Il nous fait notre soirée. Nous discutons de tout et nous en venons à l'UrbEx bien sûr. A la fin de la soirée, il nous montre une maison qu'il vient d'acheter de 900 mètres carrés à Tampa, en Floride, qu'il veut utiliser pour faire des conférences et réunir des artistes de tout poil. Et là, il nous propose de monter un truc en rapport avec l'UrbEx, après avoir vu nos photos.

Olivier a déjà terminé son sac et est prêt à partir pour Tampa, Floride, alors que je n'ai même pas fini de m'étouffer avec mes nouilles chinoises à l'annonce de la proposition. Combien de chances avions nous de rencontrer un photographe ? Ici ? J'adore voyager et faire de nouvelles connaissances.

Nous échangeons nos emails, pages Facebook et tutti quanti et terminons la soirée en ce moment même, des questions et des rêves plein la tête. Des rêves de jaccuzi dans une grande demeure de 900m2 à Tampa, Floride, où des baleines viendraient assister à des conférences et exposer leurs photos des maisons abandonnées des sorciers d'Hòlmavík.

Demain est un autre jour. On va voir des baleines, justement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Notre Avis sur 5 

 ... qui n'engage que nous!

 

Musée de la Magie et de la Sorcellerie, Hólmavík : 🤩🤩🤩

✅  Surprenant, intéressant.

 

Les hot spots de Drangsnes : 🤩🤩🤩🤩🤩

✅  Incontournables hot spots (sources chaudes naturelles), à trouver un peu partout en Islande. Ici, plusieurs bassins avec températures différentes, gratuits, "vestiaires" à quleques dizaines de mètres en traversant la route, des rencontres improbables et inoubliables!

❌  Il faut avoir la foi et pouvoir se mettre en maillot de bain à cette température! 

 

 

 

 

 

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Pourquoi "Ways and Days"?

Ways, c'est "chemins" en anglais. Et days, jours, bien sûr.

A travers ce blog, je partage ma double passion : la photographie et les voyages. Rien de bien extraordinaire, évidemment, mais ce ne sont pas de simples voyages "géographiques" qui me font parcourir des chemins aux quatre coins du monde, même si l'attrait est évident. Je fais également de la photo d'UrbEx, c'est à dire d'exploration urbaine, qui m'entraîne à découvrir des lieux abandonnés : capter le souvenir de cette vie passée, de cette agitation qui n'est plus, capturer les traces du temps, de ces jours, de ces années, envolés, le délabrement progressif des murs, des meubles, des objets oubliés, ces atmosphères pétrifiées, imaginer des vies souvent d'une autre époque, penser à ces âmes qui ont un jour parcouru ces lieux constitue pour moi autant de voyages temporels.

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