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6.30. Je suis déjà réveillé... pour ne pas rater l'heure du réveil. On doit quitter l'île à 11h ce matin, on s'est mis d'accord pour se lever tôt. Seulement Môssieu Pentax ne daigne pas ouvrir une paupière parce qu'il était réveillé à 5.30 et vient juste de se rendormir. Il veut du 7h. Très bien. Voilà comment on perd a) une demi-heure de sommeil, b) du temps de visite sur une île incroyable. Je commence donc mon journal pour aujourd'hui, ça devrait me calmer...

Heimaey n'est qu'à quelques kilomètres du "continent", mais semble perdue au fin fond de l'Atlantique Nord. On y accède par un chenal tortueux qui sillonne entre des falaises vertigineuses percées de niches qui abritent quantité de nids d'oiseaux. La ville est entourée d'une forteresse de lave déchiquetée.

 

 

Petit cours d'histoire rapide et incroyable : pendant des siècles, l'île a été la cible des maraudeurs. Dans le désordre, elle s'est fait tour à tour attaquée par des Anglais qui y ont bâti un fort, puis mise à sac par des pirates algériens en 1627. 36 habitants tués, 242 capturés, vendus plus tard comme esclaves en Afrique du Nord ! Les seuls rescapés sont descendus en rappel dans les grottes de la falaise. Un vrai film.

Cela tourne encore plus à la catastrophe le 23 janvier 1973 : à 1h45, une gigantesque explosion retentit dans la nuit tandis qu'une faille volcanique de 1,5 km de longueur entaillait la partie est de l'île, laissant émerger sous des torrents de lave et de cendres le volcan rouge sang Eldfell. Alors que les bateaux de pêche auraient dû être en mer, un vent de force 12 les avaient contraints à rester au port la veille, ce qui permit, le vent s'étant abattu, d'évacuer les 5200 habitants. Un incroyable coup de chance.

Au cours des 5 mois suivants, plus de 30 millions de tonnes de lave se déversèrent sur Heimaey, détruisants 360 maisons et créant donc une nouvelle montagne, l'Eldfell, un cône de braises rouges. Un tiers de la ville fut enseveli sous la lave et l'île gagna 2,5 km carrés de superficie. Les pompiers arrosèrent le flux de roches en fusion de plus de 6 millions de tonnes d'eau de mer pour tenter de freiner l'avancée de la lave qui menaçait le port, ce qui aurait sonné le glas du pilier économique de l'île : la pêche. Refroidie, la coulée s'arrêta à 175 m seulement de l'entrée du port, créant même un abri supplémentaire. Une fois l'éruption achevée, la chaleur du volcan alimenta Heimaey en énergie géothermale de 1976 à 1985 !

Nous venons de rendre visite aux restes de la coulée refroidie, qui s'arrête au pieds de nouvelles maisons. Des plaques commémoratives jalonnent la colline déchiquetée, expliquant que les maisons détruites se trouvent à 16 m sous le sol actuel. Des fouilles sont en cours et un musée a vu le jour. Encore une fois : impressionnant et terrifiant.

 

 

La ville est magnifique, colorée, propre, les pelouses tondues, les barrières peintes en blanc, les enfants font du vélo dans les rues... Nichée entre le port et les deux cônes volcaniques, elle semble retenir sa respiration en attendant la prochaine éruption. Ou montrer sa détermination à survivre dans cet environnement extrême.

Nous avons quitté la guesthouse à 7.53, de l'inédit pour nous, après avoir déjeuner avec Léo, un Allemand de Hanovre qui cherchait un moyen de locomotion pour aller sur Vik (notre destination, mais vu le niveau d'encombrement du 4x4, totalement impossible de prendre quiconque en stop).

Première étape de notre courte visite de l'île, le volcan Eldfell. Et pour le voir à niveau, nous grimpons sur l'autre volcan, beaucoup plus vieux (5000 ans), le Helgafell.

 

 

Puis nous allons à l'autre extrémité de l'île voir des colonies de macareux qui nichent dans des trous d'herbes sur les pentes escarpées de la falaise. Ils sont marrants à rester immobiles dans l'herbe, de petites taches noires, blanches et rouges vues de loin. Des peluches volantes.

Nous revenons ensuite vers le centre ville pour observer le résultat de l'éruption de 1973 et après une course effrénée dans les rues pour tenter de trouver un bureau de poste pour envoyer ces satanées cartes postales, nous sommes dans le ferry de nouveau pour un départ à 11h.

C'est Olivier qui se colle à la voiture une fois arrivés au ferry. Ça n'a l'air de rien comme ça, mais il ne peut y avoir qu'un conducteur par voiture, les autres passagers doivent embarquer... ben avec les passagers. A l'aller, c'était moi qui conduisais la voiture, au cas où il y aurait eu des instructions particulières en anglais. Là, Olive se sent d'attaque pour affronter l'anglais façon islandaise, il s'occupe donc du véhicule.

Nous passons la traversée sans encombre, nous prenons de nouvelles photos des îles alentours, en particulier Faxasker, cette île fantastique dont la surface ressemble à un temple japonais, les coins relevés. Et sur cette île du bout du monde, à la surface verte d'une herbe qui semble bien tondue, une maison. Une simple maison dans le creux. On se croirait dans un film.

 

 

Mais il est déjà l'heure de débarquer. Une annonce au micro demande aux conducteurs de regagner leur véhicule et on se dit à tout à l'heure. Je débarque avec les autres passagers.

Lorsque je le retrouve sur le parking, il est tout excité, hilare, et me dit qu'il s'est perdu dans les couloirs du bateau pour retrouver le pont automobile, avec le stress qui montait, de peur de bloquer toute la file de voitures derrière lui. Le sac à photo volant d'un côté, il court de couloir en couloir en ne voyant que des accès réservés à l'équipage (CREW ONLY). Puis finalement, totalement par hasard, il se retrouve sur ce maudit pont, transpirant, le cœur battant, face à l'employé qui actionne la descente de l'étage supérieur.

"Aye am sorry aye dont no wèr iz maille car !"

Le pont supérieur est en train de s'abaisser lentement, les conducteurs sont déjà dans leurs véhicules et regardent Olivier les regarder, interdit. Et finalement la délivrance, l'employé impassible lui indique la direction et nous voilà sauvés : Il retrouve la voiture. Crise de fou-rire a posteriori.

 

BÊÊÊ !

 

En route pour un site d'UrbEx prévu au planning : un DC3 datant de la seconde guerre mondiale crashé sur la plage non loin et laissé en l'état. Mais auparavant, un petit arrêt sur la route pour photographier des étables aux toits d'herbes accolées à un immense rocher, c'est tellement typique. Nous nous séparons, comme d'habitude, et je rentre dans l'une des étables. La porte est flambant neuve mais l'intérieur est complètement laissé à l'abandon. Le toit à un endroit s'est effondré et la lumière et les herbes s'infiltrent. Une photo à faire. Je me prépare, me concentre, comme pour entrer sur un ring de boxe, il faut que tout soit parfait.

Et là, j'entends Pentax arriver en poussant doucement la porte de l'autre étable (elles sont mitoyennes et communiquent par un mur écroulé), la fleur au fusil. Il va me piquer ma photo, c'est sûr. Je le vois à travers un trou dans le mur. Je dois faire quelque chose pour qu'il s'en aille. C'est ma photo.

Je me mets à bêler.

Le mouton qui sommeille en moi donne tout ce qu'il a dans les tripes et j'émets un bêlement plus vrai que nature. Si vrai que je vois Olivier s'arrêter sur le coup, interdit, pensant se retrouver nez à museau avec un animal qu'il dérange. Je pouffe de rire intérieurement. Je le vois, il reste immobile, cherche du regard autour de lui mais ne voit aucun mouton. Silence. Mais il ne s'en va pas.

Deuxième bêlement. Je flanche un peu, j'ai tout donné dans le premier. Il regarde encore alentours et là je craque : troisième éructation totalement foirée qui se termine en fou rire. Tu aurais dû le voir, lecteur. J'ai cru devoir aller me changer...

 

     

 

 

DÉCEPTION

 

Le DC3 n'est indiqué par aucun de nos guides. Je l'ai trouvé en furetant sur le net. J'avais les coordonnées GPS. Nous trouvons le chemin facilement à 5 ou 6 kilomètres de là. Une fois engagé et passé le pont anti-mouton - enfin c'est nous qui l'appelons comme ça : une grille aux barreaux très espacés qui ne gêne pas le passage des humains et des voitures mais qui est totalement impossible à franchir pour un mouton, ou même une vache. Donc une fois passé le PAM (le pont anti-mouton), une simple pancarte indique "ÉPAVE DE DC3 - 4.3 km". Pas de route. A peine un chemin de gravier : nous sommes sur une immensité de terre et de gros cailloux, et de rudimentaires piquets plantés à intervalles réguliers jalonnent la piste. Nous nous engageons, sans prêter attention au camping-car et à la berline garés non loin.

Nous mettons pas loin d'un quart d'heure pour parcourir les 2 km et des brouettes (et non 4 comme annoncé). En chemin, nous croisons des voitures sur le retour, et dépassons même des gens qui marchent. L'effroi s'empare de moi : l'avion serait-il si connu que ça ?

Oui. Sur place, c'est Disneyland. Des gens se photographient aux hublots, les jambes pendantes du nez de l'avion, complètement ouvert, des gamins sautent sur les restes d'ailes... il y a même des tags sur un côté du fuselage. Je suis juste écoeuré, moi qui pensais que l'on se retrouverait seuls pour fait nos photos. Et que l'avion serait encore en à peu près bon état...

 

 

Il ne reste en fait que la carlingue, sans la queue si les ailes, qui ont été découpées après les réacteurs. Les moteurs également sont absents. Le cockpit est ouvert en lambeaux de métal et il n'y a absolument plus rien à l'intérieur. Juste des câbles électriques en pelotes et toujours raccordés au tableau près du poste de pilotage.

Et une famille (de Français !) arrive en plus. Les gamins se mettent à sauter partout, hurler, c'est l'horreur. Olivier s'écarte plus loin et va voir la mer tandis que j'attends presque patiemment que tout le monde se barre. Nous décidons de commencer à manger nos sandwiches. Tout le monde part au bout d'une dizaine de minutes.

Nous avons alors une fenêtre de 5 à 6 minutes durant lesquelles l'épave est à nous avant que de nouveaux touristes arrivent à pied ou en 4x4. La misère. Les photos faites, on quitte le site. Pas étonnant que les urbexeurs rechignent à donner leurs adresses. Si c'est pour voir papa, maman et les rejetons venir tout démonter le dimanche après-midi, c'est compréhensible (photos postées ici dans la section Urbex).

 

Au retour, pour me détendre (non, je ne suis pas vraiment tendu, mais c'est pour donner un relief dramatique à mon récit), j'ai envie de passer très vite près d'eux pour les empoussiérer, mais je suis trop occupé à m'amuser avec le 4x4 et le faire patiner un peu sur la piste. Puis nous jouons avec Olive à Dirige-Moi, Je Ferme Les Yeux !, comme il n'y a aucun obstacle ni aucune sortie de piste possible. Jouissif de conduire les yeux fermés !

Après un arrêt "naturel" incontournable dont Olivier semble être le spécialiste depuis quelques jours, qui me force à l'appeler "Chie-la-gueille" - le problème étant qu'il faut trouver des arbres un peu cachés, et ce n'est pas si facile en Islande : il n'y a que des pierres et des moutons! - après l'arrêt "naturel" du jour, donc, nous nous rapprochons de Vik pour voir une magnifique plage de sable noir et nous y posons un moment devant les vagues. Ici encore, la plage est entourée d'une forteresse de roches basaltiques de taille et de forme impressionnantes. Et les falaises alentours sont découpées, voir arquées comme de la dentelle. On se croirait à Etretat.

 

J11 hg2

 

Puis nous allons faire des courses dans la petite ville de Vik avec son église perchée sur une colline, achetons finalement des timbres avant de poster les cartes et nous prenons la route pour aller à notre point de chute du soir : Hrauneyjar, au nord du plus couru des sites de rando islandais, le Landmannalaugar, car la rando, c'est pour demain.

Nous nous attendons à des routes non goudronnées. Tu parles. Non goudronnés, caillouteuses et terriblement accidentées. Par instant, nous ne pouvons pas rouler à plus de 20 km/h tellement la voiture tremble de partout. Exactement les mêmes bruits et secousses que lors d'un atterrissage, quand l'avion touche le sol. Mais là, c'est un atterrissage de 13 km, pour la partie la plus difficile. 13 km qui durent une bonne grosse et éprouvante demi-heure. Surtout lorsqu'on se fait doubler ou qu'on croise des mastodontes dont les pneus sont aussi hauts que notre capot... ils roulent comme sur une autoroute ! Puis je découvre que rouler plus vite, vers les 40 km/h est un peu plus gérable pour la voiture. Ouf.

Le Highland Center est une usine à randonneurs. Ils doivent avoir au moins 300 personnes à coucher tous les soirs, au moins en été. On ne s'attendait pas à ça non plus, mais on s'habitue vite ! Tiens, y'a un resto. Ce soir, c'est hamburger-frites. Ça changera de hier soir où c'était agneau-frites. Mais ce n'était pas la même bière. Le grand N'importe Quoi.

On finit la soirée par une communication vidéo avec nos amis en vacances à la Nouvelle-Orléans qui nous font écouter un orchestre de jazz en pleine rue. Il est 17h là-bas... Incroyable. J'adore internet ! J'adore ce voyage !

 

 

 

 

 

 

 

 

 Notre Avis sur 5 

 ... qui n'engage que nous!

 

Heimaey (Archipel des Vestmannaeyjar): 🤩🤩🤩🤩

✅  Jolie ville insulaire nichée sur sa petite île et ceinte de volcans, récemment meurtriers.

 

Epave de DC3 : 🤩🤩

✅  Une carlingue de DC3 de la 2e Guerre Mondiale assez célèbre, notamment sur internet. Curieuse, sur cette immensité de sable volcanique.

❌  C'est quand même un peu la sortie du dimanche : il peut y avoir beaucoup trop de touristes pas souvent respectueux... des photographes, voire du lieu!

 

 

 

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Pourquoi "Ways and Days"?

Ways, c'est "chemins" en anglais. Et days, jours, bien sûr.

A travers ce blog, je partage ma double passion : la photographie et les voyages. Rien de bien extraordinaire, évidemment, mais ce ne sont pas de simples voyages "géographiques" qui me font parcourir des chemins aux quatre coins du monde, même si l'attrait est évident. Je fais également de la photo d'UrbEx, c'est à dire d'exploration urbaine, qui m'entraîne à découvrir des lieux abandonnés : capter le souvenir de cette vie passée, de cette agitation qui n'est plus, capturer les traces du temps, de ces jours, de ces années, envolés, le délabrement progressif des murs, des meubles, des objets oubliés, ces atmosphères pétrifiées, imaginer des vies souvent d'une autre époque, penser à ces âmes qui ont un jour parcouru ces lieux constitue pour moi autant de voyages temporels.

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