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Ça y est, c'est le grand jour. Nous nous levons vers 8h, douche rapide et petit dej expéditif et nous voilà prêts pour affronter le Landmannalaugar. On prépare nos sacs pour la journée, les pique-niques, on remplit le réservoir d'essence car on ne sait pas où sera la prochaine station et nous partons.

Nous sommes à une trentaine de kilomètres de la base qui sert de point de départ au fameux trek de 50 km qui descend vers le sud et la ville de Þorsmörk (Thorsmörk) et qui fait passer les marcheurs dans des lieux apparemment inoubliables. Nous ne pourrons pas le faire, mais mon Lonely nous tuyaute sur une rando sympa d'une dizaine de kilomètres qui rentre pile poil dans notre emploi du temps de la journée.

La route pour accéder à Landmannalaugar est infecte. 25 kilomètres de pure caillasse, dont 15 juste invivables. Nous prenons la F208 qui comme son nom l'indique est une route de montagne (à cause du F devant). En Islande, route de montagne = interdit aux berlines. Uniquement les 4x4 peuvent les emprunter, pour des raisons évidentes de tenue de route, voire de difficulté de dépannage (et de coût). On comprend mieux pourquoi. Les routes non goudronnées de Latrabjarg dans les Fjords de l'Ouest, c'est du pipi de chat à côté.

Ici, nous sommes clairement en territoire ennemi. Chaque caillou, chaque rocher, chaque nid de poule semble déterminé à planter les voitures et s'ils n'y arrivent pas, au moins les faire déraper dans le décor. Et ils s'adjoignent les services de la pluie et de la boue quand le temps le permet évidemment. Plus on est de fous, plus on rit.

 

 

Les véhicules qui circulent sont des monstres sortis des films Mad Max. Des pneus aussi hauts que le toit de notre petit Jimny, et de la largeur d'un volant. Les cars en particulier sont époustouflants de robustesse et de hardiesse. Il faut imaginer un car de voyage ou un gros bus monté sur des roues de tracteur, mais alors un gros tracteur... et des roues arrière évidemment ! Les chauffeurs roulent à toute allure sur des routes que tu ne prendrais même pas à vélo, lecteur. Et que dire des gués... Les passages de cours d'eau viennent singulièrement pimenter les déplacements dans le Landmannalaugar. Il faut penser "gué". Je dirais même, il faut être "gué" dans sa préparation du trajet, si je ne craignais de jouer sur les mots...

Nous avons opté pour cette F208 car d'après mon guide, c'est le seul accès au Land sans gué, justement. Nous ne voulons pas en tenter seuls, même si l'envie y est, encore moins avec un 4x4 qui semble tout droit sorti d'une boîte de jeu Playmobil. Les gués ne leur font pas peur, aux gros véhicules, avec de telles hauteurs de caisse. Ils les franchissent comme on roule dans une flaque. D'ailleurs, à l'arrivée au camps de base, c'est la première attraction, avant les bains d'eau chaude où des randonneurs se baignent : le passage du cours d'eau par les véhicules qui s'arrêtent directement au camps. À vue d'œil, un peu plus de 50 cm au plus profond. Chaque voiture, chaque bus se fait photographier, c'est comique.

 

 

Nous arrivons à la base un peu plus d'une heure après, cassés, lessivés de ces 25 km éprouvants alors même que la randonnée n'est pas commencée. Le soleil brille, des tentes de toutes les couleurs sont plantées au loin dans la plaine. Ce camps est très vaste. Des sources d'eau chaude coulent de l'ouest et des gens s'y baignent. Instinctivement, je regarde le cours d'eau que nous traversons sur un pont. Est-elle chaude ? Oui ! La rivière, ou du moins le ruisseau est chaud ! Incroyable. Ça coule des montagnes, on s'attend à ce qu'elle soit glacée et l'eau nous offre un bon 25°C en pleine nature ! Le Paradis sur terre.

 


 

Puis c'est le départ à proprement parler. Il est midi moins dix. Nous avons à peu près 6 h de marche sous un beau soleil, nous sommes en Islande, nous sommes dans le Landmannalaugar, tout est beau, on est heureux !

Nous passons un petit volcan brun au cratère recouvert de mousse. Notre point d'arrivée se trouve derrière la grosse montagne, là, le Nordurnámur, elle-même derrière le petit volcan brun. Nous croisons des gens, tout le monde se salue, discute, c'est bon enfant. Nous croisons un couple de Français avec qui nous papotons quelques instants; ils vont au même endroit que nous, au mal nommé Ljótipollur ("affreuse mare"). En fait, un cratère rouge sombre rempli d'une eau d'un bleu éclatant et de truites.

 

 

Nous avons le choix entre contourner le Nordurnámur ou le gravir. Nous choisissons d'en gravir chacun de ses 786 mètres. Ça grimpe. Ça grimpe grave. Vers le sommet, chaque pas devient plus difficile et moi qui depuis le début du voyage me sens en Terre du Milieu, le monde imaginaire du Seigneur des Anneaux, j'imagine bêtement la douleur que les deux héros ont éprouvée, en gravissant les pentes abruptes et inhospitalières d'Orodruin, le volcan au sommet duquel tout doit se finir. Bref, je ne suis pas Frodo, je n'ai que des photos à prendre et à admirer le paysage et je ne m'en prive pas !

 

 

Jusqu'à la pluie.

Elle nous a attendus au sommet. Les premières gouttes commencent à tomber lorsque nous atteignons le plat et nous craignons le pire pour le reste de la randonnée. Le ciel est noir, au loin.

L'heure suivante est une calamité spatio-temporelle. Nous marchons, que dis-je, nous traînons notre misère sous les coupe-vents et ponchos, avec les sacs à dos, les appareils, la nourriture, la pluie et le vent et nous ne sommes même pas en vue du Ljótipollur. Le temps me paraît infini. Comme le sentier, qui s'allonge au fur et à mesure de mes pas.

 

 

Le Nordurnámur où nous nous trouvons a comme un double sommet. Nous avons atteint le premier, il nous reste le second, encore plus haut. Le sentier dans le gravier noir de la pente n'est pas balisé et s'efface par endroits. L'inclinaison est insupportable, comme cette eau glacée qui nous trempe et nous colle les vêtements à la peau.

Je me mets en mode automatique ou je vais perdre la raison. Heureusement que Pentax est là, dans son poncho avec son appareil autour du cou en-dessous qui lui marque une excroissance au milieu du ventre et qui, en d'autres circonstances, pourrait le faire passer pour un pervers. Il marche comme un empereur (le manchot, pas Napoléon), bravant les intempéries avec une prise au vent inégalée à ce jour.

 

couleurs naturelles !

 

Passé le second sommet, enfin nous entamons la descente, mais la pluie ne faiblit pas. Je ne me vois pas continuer ainsi. Nous n'avons pas encore mangé, ni atteint le cratère. C'est un supplice.

Olivier arrive juste derrière moi et me demande, incidemment : "on s'arrête pour pique-niquer ?"

Je lui saute dessus en une fraction de seconde et l'égorge dans un bain de sang avant de le pousser dans le vide où son corps rebondit trois fois sur les rochers dans des positions impossibles avant de s'empaler 786 mètres plus bas sur un piton acéré de lave millénaire.

Non, je fabule, évidemment. Olivier va bien. Mais sa question laisse néanmoins libre cours à mon imagination une très courte mais très intense seconde. Il a dû perdre la raison lui aussi. Je lui jette un regard éloquent et nous poursuivons notre descente.

Finalement, nous apercevons le Saint Graal du randonneur sous la pluie : un abri. Non loin, un mur de roche est creusé tout du long et forme un aplomb qui peut nous protéger d'un petit mètre. En dessous, l'herbe est sèche. Nous ne réfléchissons pas, nous nous y installons tous les trois et nous posons, nous et notre misère. Le pique-nique est plutôt silencieux, chacun perdu dans ses pensées. Mon pantalon est trempe, mon sac à dos l'est tout autant, j'en profite pour essorer les bretelles. Je jette un œil à mon appareil photo et essuie l'objectif. Olivier a le couteau, donc il découpe le melon qu'on a acheté la veille tandis que je me fais un sandwich. Jambon-fromage, comme hier. Et comme avant-hier aussi.

 

 

Puis la pluie cesse petit à petit. Elle se transforme en crachin puis disparaît et le soleil brille de nouveau. L'épisode aura duré plus longtemps que le dicton islandais (qui dit que si on n'est pas content du temps, il faut attendre 5 minutes et il aura changé) mais nous sommes déjà debout au soleil en train de gesticuler pour nous sécher le mieux possible. Au loin, le cratère rouge nous attend. Nous voyons deux silhouettes sur sa pente, de notre côté. L'une d'elles nous fait de grands signes des bras comme pour arrêter un train et nous percevons même un "Ouhouuuuu !" Machinalement, sans même regarder, je lui réponds en me ridiculisant à mon tour. Une randonneuse enjouée. Tant mieux pour elle.

Une grosse demi-heure plus tard, nous parvenons enfin au Ljótipollur, majestueux. La montée est raide, et la découverte du lac intérieur est aussi instantanée que sublime et nous arrache un "wow!!" de surprise. Le cratère rouge est par contre un peu survendu. Effectivement, un côté est rouge, mais le reste est brun-rougeâtre. Par contre, l'eau du lac est d'un bleu divin.

 

 

Le couple de Français que nous avons rencontré plus tôt est là.

"On vous a vus, là-bas, nous dit la femme. Vous étiez à l'abri. On a cru que vous alliez repartir. Je vous ai fait des signes pour que vous veniez ! C'est magnifique, ce lac !"

Ah, c'était elle. Nous re-discutons quelques minutes, échangeons nos impressions puis grimpons un peu plus l'arrête du volcan. Il reste un peu de neige par endroits, comme au Viti, dans la région du lac Myvatn, et le contraste des couleurs est saisissant : des roches rouges, de l'eau bleue, des graviers noirs et le blanc de la neige pour faire ressortir le tout.

Olivier part encore plus loin pendant un moment alors que je décide de poser mon matériel et me lancer dans l'élaboration d'un timelapse du panorama. Un timelapse est une succession de photos prises à intervalle régulier et qui, assemblées à la vitesse d'une vidéo (25 images/seconde) recréent un film accéléré de la scène. L'effet est sympa. Ma GoPro me permet de faire ça. Le miracle de la technologie. Je calcule qu'une demi-heure de pose à raison d'un cliché toutes les 5 secondes me donnera 360 photos qui elles-mêmes me donneront un film de 14 secondes. C'est bien. Ça permet de voir en accéléré le mouvement des nuages, j'adore. Très dramatique, comme effet. Surtout que je rajoute ma petite touche personnelle : montée sur un minuteur de cuisine, la GoPro effectuera en même temps un panoramique de 180°. C'est ce que je recherche.

Donc j'installe tout mon bazar, je règle, je sers, je fixe, je teste et je déclenche. Puis je vais vaquer. Je vaque pas mal quand j'attends de voir ce que mes photos donnent. Je vais marcher un peu plus loin, cherche Olivier du regard - il est bien loin déjà, l'œil rivé à son viseur - puis je reviens. 15 minutes se sont écoulées. Je me penche pour attraper mon appareil photo dans mon sac à dos quand une bourrasque de vent vient rabattre d'un coup le bas de ma veste sur ma tête. Je me débats comme je peux et je finis par regagner ma dignité. Je me retourne : ma GoPro est par terre, la tête en l'air. Adieu mon beau timelapse. Je passerai sous silence le chapelet d'insultes qui fusent de ma bouche. C'est une journée sans, aujourd'hui, même au Landmannalaugar. Tant pis. (Je réussirai quand même à insérer un bout de séquence dans mon film.)

 

 

  

 

 

Le retour est laborieux. Je me traîne. Les ascensions successives commencent à peser sur mon genou. Mon ligament tout neuf fait la tête. Je dois le ménager. A un kilomètre du camps, où la piste de randonnée prend fin au niveau de la route, Olivier me délivre : il va aller chercher la voiture et me prendre au passage. Ah, s'il n'était pas là...

2h de route plus tard dont 25 km de caillasses de voie ferrée (mais un éternité de bonheur pour Pentax qui s'éclate comme un petit fou au volant du 4x4 lui aussi - à 30 à l'heure), nous arrivons à Reykholt, notre ville-étape de ce soir. La guesthouse est superbe, l'hôte sympa. Elle vit à l'étage de sa grande maison et nous sommes au rez-de-chaussée. Bien aménagé. 2 frères anglais sont là aussi, à se faire cuire du bacon. Ça sent bon. Nous repartons faire des petites courses pour ce soir et la soirée se termine, moi à ma tablette en train de rédiger ces lignes, Olive à la sienne en train de faire des comptes. Il semblerait que le voyage nous coûte moins que prévu. Ça, c'est une bonne nouvelle.

 

Rectificatif : deux familles viennent d'arriver, des Russes et des Islandais, dirait-on. Les 2 gamins russes sont assez bruyants et sont en train de s'époumoner dehors (il est exactement 0h18). Sans commentaire. Ça promet pour la nuit.

Du coup, j'ai regardé dehors, pour essayer d'apercevoir les deux démons. Et je viens de me rendre compte que ce soir, il fait nuit. On ne voit rien dehors. Je m'étais rendu compte que les nuits étaient de plus en plus sombres depuis une semaine. Et ce soir, il n'y a pas de nuage dans le ciel et il fait quasiment noir. Je vais pouvoir dormir sans masque.

 

 

 

 

 

 

 

 

 Notre Avis sur 5 

 ... qui n'engage que nous!

 

Landmannalaugar (Trek de 10km): 🤩🤩🤩🤩🤩

✅  Une randonnée fantastique... pour peu qu'il fasse beau. La route pour y accéder est horrible mais tu seras largement récompensé, lecteur, par le cadre fantastique.

❌  25 km insupportables de piste défoncée, forçant à rouler relativement lentement.

 

  

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Pourquoi "Ways and Days"?

Ways, c'est "chemins" en anglais. Et days, jours, bien sûr.

A travers ce blog, je partage ma double passion : la photographie et les voyages. Rien de bien extraordinaire, évidemment, mais ce ne sont pas de simples voyages "géographiques" qui me font parcourir des chemins aux quatre coins du monde, même si l'attrait est évident. Je fais également de la photo d'UrbEx, c'est à dire d'exploration urbaine, qui m'entraîne à découvrir des lieux abandonnés : capter le souvenir de cette vie passée, de cette agitation qui n'est plus, capturer les traces du temps, de ces jours, de ces années, envolés, le délabrement progressif des murs, des meubles, des objets oubliés, ces atmosphères pétrifiées, imaginer des vies souvent d'une autre époque, penser à ces âmes qui ont un jour parcouru ces lieux constitue pour moi autant de voyages temporels.

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