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Que d'émotions, aujourd'hui , non mais que.d'é.mo.tions. Je te préviens, lecteur assidu, accroche-toi.

Mais auparavant, un rectificatif, s'il te vient l'envie de pinailler, de couper les cheveux en quatre, quoi: je n'en aurais pas dormi si je t'avais laissé dans l'inexactitude la plus floue sur un sujet primordial: les neuf écluses de hier soir. D'abord, elles ne sont pas neuf, mais huit. On en a compté neuf car on a compté les portes. Ensuite, le dénivelé "à vue de nez de cinquante mètres" fait exactement... 19,50m. A trente mètres près, on était bon. Et l'info ne serait pas complète, voire même inutile, si je ne te précisais pas que ces 19,50m couvrent une distance de 457m. Voilà qui est dit. Quoi? Une cerise sur le gâteau du savoir? Soit. Que tu es gourmand, lecteur insatiable: Les bateaux mettent quatre-vingt-dix minutes pour descendre ces 19,50m. Voilà qui est dit, encore. Nous pouvons passer à la suite.

Donc, mes émotions de ce matin. Négatives d'abord: hier soir, en arrivant à l'auberge de jeunesse, nous avions remarqué que les Coréens bruyants-en-mangeant rencontrés à Durness nous ont suivis. Bon, techniquement, c'est plutôt nous qui les suivons puisqu'ils sont déjà là. Pas de doute. Même tête moyennement avenante, même ventre-bulle, même odeur intense de tabac. Jésus Marie Joseph faites que nous ne nous retrouvions pas dans la même chambre, pensâmes-nous alors. Tu connais la suite. Nous tombons sur les Frenchies.

Ainsi, ce matin, nous les retrouvons au petit déjeuner. Même affairement de tous pour se préparer à manger, à ceci près qu'ici les locaux sont beaucoup moins pratiques. La cuisine est répartie sur deux salles allongées, dont une franchement étroite, on dirait un couloir. Vraiment pas commode. Cette auberge n'est pas à recommander. D'ailleurs, je l'ai choisie parce que je ne trouvais aucun autre logement dans les environs. Note importante : cher lecteur, si jamais tu vas dans cette région, n'opte pas pour Chase the Wild Goose Hostel, à Fort William.

Nous déjeunons donc non loin des Coréens qui avalent leurs nouilles frites à grands coups d'aspiration humide, c'est tout simplement à vomir. Puis vient l'heure du départ. Tant mieux.

 

 

HOGWARTS EXPRESS

 

Nous devons rouler une vingtaine de minutes en direction de la côte ouest le long d'un loch étiré comme une spaghetti pour nous arrêter au Viaduc de Glenfinnan, qui de prime abord ne dit pas grand-chose à quiconque. Mais beaucoup de personnes le connaissent pour l'avoir vu transporter le Hogwarts Express, le magnifique train à vapeur qui mène Harry Potter & Co à chaque reprise de cours à leur école de sorciers, Hogwarts (Poudlard en français).

Ce train fait bel et bien le trajet, non pas vers Hogwarts, mais entre Fort William et Mallaig, sur la côte en face de Skye. Deux fois par jour, il transporte des fans du héros ou de simples voyageurs en quête d'exotisme temporel...

Nous arrivons comme prévu - assez rare pour être mentionné - au Visitor Centre, d'où part l'accès au point de vue du viaduc. Ce pont est monumental et vraiment magnifique, enjambant la vallée en une quinzaine d'arches élancées qui épousent le relief de manière gracieuse. Est-il nécessaire de préciser que faute d'intelligence, ou de sens de l'organisation ou d'un peu des deux, nous nous rendons au point d'observation le plus touristique mais pas le plus indiqué pour les fans du sorcier ? Tsss des fois, je me crèverais les yeux, juste parce que ça fait mal et que je le mérite. Je découvrirai dans l'après-midi, pour bien enfoncer le couteau dans la plaie, et aussi bien remuer la plaie elle-même tant qu'à faire, que toutes les infos étaient bien écrites noir sur blanc dans le Routard. Piquez-moi, je souffre.

Nous grimpons donc à notre point d'observation, à 5 minutes de marche sur un sentier caillouteux. Nous remontons la colline. Une fois arrivés, l'endroit ne nous plaît que moyennement. Pas beaucoup d'espace, boueux et il y a un peu de monde. Tiens, là-bas, pas loin, y'a un sentier qui a l'air de monter sur cette autre colline. On y va? On sera plus en hauteur, on y verra mieux. OK.

Nous voilà partis sur ce nouveau sentier, ou plutôt chemin d'herbes foulées qui nous mène droit au sommet en passant par une zone bien boueuse dans laquelle nos chaussures de rando ne résistent que difficilement, tout comme mon pantablon en toile. Bonne idée pour aujourd'hui. Au bout de dix minutes, il est intégralement trempé jusqu'aux genoux, mais je fais fi de ces contingences bassement matérielles, je me gausse et me glisse entre les herbes hautes et les rochers, déterminé à arriver au sommet.

Une fois en haut, Olive me dit : "eh, t'as vu celle-là? elle est un peu plus haute, on doit mieux voir, non?" C'est vrai qu'ici, tout est dégagé sauf un arbre idiot qui a poussé sans aucune vergogne juste entre nous et le viaduc, au loin. Inconcevable de rester là. Nous empruntons le nouveau sentier boueux. Nous sommes assez haut maintenant. Non, aucune estimation, j'estime mal aux dernières nouvelles donc je me garderais bien de donner un chiffre, mais nous sommes haut.

 

 

 

BONNIE PRINCE CHARLIE

 

La vue d'ici est fantastique, à 360° : derrière nous, le fond du Loch Shiel, lieu où un beau jour d'août 1745, le prétendant au double trône d'Ecosse et d'Angleterre, Bonnie Prince Charlie, a débarqué depuis Brest, dans l'espoir de mobiliser un maximum de highlanders et de réunifier les clans pour l'aider à reconquérir la couronne (et qu'il perdra définitivement après une sévère déculottée contre les Angliches quelques mois plus tard). La défaite cuisante des Jacobites, les followers de Jacques VI d'Ecosse (s'il avait eu Twitter) est une plaie sanglante dans l'histoire écossaise.

Tiens, c'est la minute historique sympa, posons-nous un instant et soyons plus clair : le clan des Stewarts, l'un des plus puissants clans historiques en Ecosse accède au pouvoir au cours du 14e siècle, quelques décennies après la mort de William Wallace (Braveheart) qui aura réussi à insuffler un esprit de révolte et de rébellion dans les mentalités de l'époque. Rébellion contre l'ennemi héréditaire, of course: l'Angleterre. Les quatre premiers rois d'Ecosse, James 1, 2, 3 et 4 - on ne peut pas dire que le sens de l'originalité coulait dans leurs veines, connurent des morts violentes. Le 5e, lui, mourut de chagrin de n'avoir qu'une fille comme héritière... La célèbre Marie Stuart, où Mary Queen of Scots, dont les Ecossais sont si fiers.

Oui, lecteur, celle-là même qui épousa son cousin Darnley, qui, jaloux, fit assassiner son secrétaire particulier de 56 coups de poignard et qui finalement fut lui-même assassiné, un assassinat probablement commandité par Marie, qui épousa par la même occasion l'assassin de son défunt Darnley. Ça va, lecteur attentif, tu me suis?

Marie fut victime de nombreuses tentatives de déstabilisation et de prise de pouvoir, et elle finit par chercher refuge chez sa cousine anglaise, Elizabeth. On est en plein 16e siècle. Elizabeth est une reine absolue en Angleterre, la fille d'Henri VIII, tu sais, ce gros roi dont on voit toujours la même représentation, qui décida un jour que le Pâpe ne servait à rien puisqu'il ne voulait pas le faire divorcer de sa femme inféconde et qui créa une nouvelle religion dont il était le chef (Elizabeth II de notre époque est toujours dans cette position), ce roi aussi qui épousa 8 femmes et en fit décapiter certaines car elles ne lui donnaient pas de mâles ou allaient voir ailleurs. Ça ne rigolait pas à l'époque.

Bref. Elizabeth, c'est le règne des comploteurs et l'Age d'Or de l'Angleterre, les conquêtes, les explorateurs (la colonisation des États-Unis à débuté sous son règne : c'est pour célébrer sa soi-disant virginité que l'état de Virginie s'appelle ainsi), mais c'est pas une mauvaise bougresse sous ses kilos de poudre immaculée, de perles, ses cheveux rasés sur le devant pour lui faire le front haut et correspondre aux canons de la beauté d'alors: elle a les miquettes pour son trône, car Marie pourrait y prétendre, mais comme c'est sa zinecou, elle ne fait que l'emprisonner pendant 18 ans. Et au bout de cette période, Marie se fera endormir par le comploteur en chef d'Elizabeth, son conseiller Walsingham, qui réussira à lui faire écrire des lettres compromettantes pour mieux les intercepter comme autant de preuves à la reine que sa cousine écossaise se prépare à la renverser. Marie est décapitée, accusée de haute trahison.

bonnieEt nous arrivons donc à James VI, le fils de Marie. A la mort d'Elizabeth en 1603 (son pote Shakespeare passera l'arme à gauche 13 ans plus tard, pour situer), l'Angleterre est sans héritier et c'est là qu'il sort du bois et hop! L'impensable se produit : l'Écosse conquiert l'Angleterre. Deux trônes pour le prix d'un, ma bonne dame! James ou plutôt Jacques VI en version française officielle, parce que son nom latin est Jacobus, devient Jacques 1er d'Angleterre.

Et après moultes révoltes et autres épisodes terribles de l'Histoire qu'il serait trop long de raconter ici, c'est pour remettre la dynastie Stuart sur le trône que ses fidèles, les "Jacobites", se réunissent autour de l'héritier de la Couronne écossaise, Bonnie Prince Charlie, qui vit avec sa famille exilée en France, au 18e siècle. Et ce lac, ce loch Shiel, est le lieu où il débarque ce matin d'août 1745 pour reconquérir le pouvoir. Fiou, voilà pour le topo historique, mais c'est si passionnant et plein de rebondissements que je pourrais y rester des heures !

 

 

HARRY POTTER, AGAIN

 

Apparemment, le loch est aussi connu des fans d'Harry Potter car c'est le lac de Poudlard, dans lequel Harry plonge lors d'une épreuve de la Coupe de Feu. L'école fut simplement rajoutée en post-production en images de syntèse.

 

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Nous sommes en haut de notre colline. Il est 10h20. Le train est prévu entre 10h30 et 11h. Je m'installe, moi et mon matériel, pendant qu'Olivier va à l'autre bout du sommet et prend le loch en photo. Je finis mes réglages, je ne peux pas me permettre de faire une bêtise, le train n'attendra pas. Puis comme nous avons le temps, je prends mon appareil et rejoins Pentax. Ce loch est magnifique. Il y a de la brume au loin, un dégradé de couleurs sur les pentes de part et d'autre de l'eau. Il vient de s'arrêter de pleuvoir, tout brille, c'est -
Une corne retentit. Tiens. Un camion? Olivier réagit de suite : "c'est le train, il arrive!" Je repars vers mon trépied en courant comme je peux avec ma cheville de pintade, ré-installe l'appareil en deux temps et... Un nouveau coup de corne-klaxon. C'est bien un camion. Olivier rigole déjà : "ah oui, je le vois, là-bas, c'est un camion!". Effectivement, mort de rire. Je suis hi.la.re, ou presque.

Le train arrive quelques minutes plus tard. On entend d'abord la vapeur, caractéristique. Puis on la voit, au loin. Notre position n'est pas celle qui nous permettra d'avoir l'angle de vue du film, mais nous avons un angle beaucoup plus large, on va le voir arriver de loin. D'ailleurs, oui, c'est bien la vapeur qu'on voit, au loin. Enorme! Un vrai gros beau train à vapeur qui fonctionne.

Puis il apparait derrière les arbres. Il ne roule pas très vite, il tire 6 wagons bordeaux derrière lui, il va prendre le dernier virage avant le viaduc... et s'arrête presque complètement. Plus de vapeur. Il prend peut-être de l'élan... Puis il repart et traverse le viaduc, majestueux, exactement comme je l'imaginais, en lâchant un panache de fumée blanche et un long coup de sifflet. Génial moment.

 

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Puis c'est la descente, à flanc de colline, dans la boue parfois, l'eau tout le temps, c'est une horreur. De la sphaigne pousse partout et joue le rôle... de sphaigne, quoi, de l'éponge, en retenant l'eau à tous les niveaux. On a l'impression de marcher dans un marécage pentu.

 

 

DE PLUS PRÈS

 

Nous reprenons la voiture, direction Mallaig, la ville la plus proche, pour aller se chercher à manger. La route longe la voie ferrée et nous nous retrouvons à s'imaginer faire la course avec le Jacobite Train, son vrai nom, en honneur bien sûr aux Jacobites d'antan. On se suit de manière plus ou moins distante jusqu'à Mallaig, ville d'arrivée pour lui.

Mallaig est un magnifique village portuaire dans lequel nous faisons quelques photos d'un camion qui débarque d'un petit ferry avec force grincements et même raclements, et nous allons évidemment jeter un œil au train qui est en gare. Enfin, "gare". A quai. Il n'y a que deux voies, et c'est le terminus.
La machine est impressionnante : rutilante, en excellent état, le poste de commande de la locomotive est d'époque : des cadrans, des manettes, des leviers et des roulettes en laiton ou en cuivre, c'est un bond dans le temps extraordinaire. Et que pouvaient-ils faire de plus, les machinots, pour nous émerveiller ? Ils réalimentent le ventre du monstre, à grandes pelletées de charbon ! Je suis aux anges !

 

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LOCH MORAR

 

Nous allons manger nos salades industrielles sur un ponton de bois, dans le silence, au bord du Loch Morar, à quelques kilomètres. Le temps est couvert, les nuages sont très photogéniques, le moment est superbe. Seulement le clapotis de l'eau, le vent qui souffle et au loin, le hurlement nostalgique de la vapeur du Jacobite Train qui repart déjà.

Nous en profitons pour tester notre spray anti-midges, acheté plus tôt à Mallaig. Tu sais, lecteur, les midges sont ces minuscules et stupides bestioles volantes qui cherchent à te rentrer par tous les pores et piquent dès qu'elles le peuvent. Olivier a plein de boufioles depuis le début du voyage, principalement sur les mains. Moi, ils me piquent, mais je n'ai pas de bouton. Mais c'est super désagréable de les sentir et les voir virevolter devant son nez ou ses yeux constamment, dès qu'il n'y a plus de vent. Donc, le spray fonctionne, tant mieux. Il serait temps : nous repartons dans quelques jours.

 

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STALKER

 

1h30 de route plus tard, nous tombons, encore une fois à la faveur d'un virage, sur une nouvelle merveille : le château Stalker, droit sur son îlot, à quelques dizaines de mètres devant la côte. Celui-là aussi, lecteur, tu dois le connaître : c'est l'un des plus photographiés en Ecosse, et il figure également dans le film Highlander, mais aussi dans le Sacré Graal des Monty Python ("Faites chier la vache!" pour les connaisseurs). Il est de toute beauté. Une ruine, assurément, mais vu de loin, nous remarquons qu'il a quand même une toiture et des fenêtres. Il doit donc être maintenu dans un état correct sinon habitable. Nous y restons... un bon moment, parcourant la grève de long en large.

 

 

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Puis, comme Nikon a souvent fini ses photos avant Pentax, qui shoote à tout va, je repars à la voiture le premier lorsque la pluie arrive. Nous sommes garés un peu loin. Et sur le chemin vers la plage où nous nous tenons, je viens de découvrir un parking plus près. Je décide donc d'y amener la voiture. Evidemment, c'est précisément le moment que choisit Olivier pour y revenir également, mais par un autre chemin, plus court de là où il est. Nous nous croisons sans nous voir : je prends la voiture pour aller me garer ailleurs, et lui arrive sur notre première place de parking et ne voit plus la voiture. Foule de scénarios possibles... La pluie tombant, de mon côté, je me gare "plus près", sort, court vers la plage pour lui faire signe que je suis ici... Et ne le vois pas. Je demande à des gens s'ils ne l'ont pas vu: non.
Je repars donc à notre emplacement initial et je vois un pauvre hère sous la pluie, encapuchonné dans sa parka orange et qui bat faiblement des bras en voyant la voiture... Euh, c'est moi où il fait un peu frisquet, d'un coup, à l'intérieur...?

 

 

MULL OU PAS MULL ?

 

Le temps file à une allure hallucinante. A peine remis de ce château et de cette pluie que nous sommes déjà en route pour le terminal de ferry d'Oban, d'où nous atteindrons l'île de Mull ce soir.
Cette notion, de dormir sur l'île ce soir, déclenche toute une série d'alertes dans nos têtes : la réservation du ferry n'a pas été faite. On y a pensé il y a quelques jours en se disant, "il faut le faire". Déjà, en préparant le voyage, je ne comprends pas comment j'ai pu zapper cette résa, alors que tout le reste a été fait en bonne et due forme.

Summum de l'organisation bancale : on ne sait même pas jusqu'à quelle heure les ferries partent pour l'île. Il est 18h et quelques. Le stress m'envahit : pas de ferry, pas de traversée, donc pas d'hôtel. Et demain, on doit être à l'autre bout de l'île pour une excursion en bateau qui part à 9H45 pétantes.

Nous nous présentons néanmoins à l'embarquement. Un ferry est là, monstrueux, en train d'engloutir sagement ses passagers et leurs véhicules. Mais la barrière d'accès est baissée. J'explique rapidement à l'employé sur site le problème et il me répond que dès que ce bateau sera parti, il rouvrira la barrière et nous pourrons nous mettre dans cette file, là, derrière ces autres voitures qui n'ont pas réservé non plus, en attente du dernier ferry de la soirée, à 20h. Mais il ne garantit pas qu'il y aura de la place pour tous les non-réservés.

Je file au terminal pour acheter des billets, qui seront valables demain si nous ne pouvons pas monter ce soir. Le type me raconte la même chose. J'achète également les billets retour du coup, et il ne nous reste désormais plus qu'à attendre 19h30, le début de l'embarquement des véhicules. L'attente est juste infernale, interminable. Je m'en veux de ne pas avoir pensé à réserver plus tôt, et Olive cherche une solution. Tant pis, on perdra la chambre sur l'île, on en prendra une autre ici (si on en trouve) et on partira au premier bateau demain.

 

35

 

19h. Les réservés arrivent, petit à petit. 1 voiture, puis 2. Au total, une demi-heure plus tard : 17. Et nous sommes 13 véhicules non-réservés. Nous sommes les derniers dans la file. Devant nous, une caravane, un mini-van, des 4x4, des citadines, un camping-car.
Le ferry arrive, on le voit au loin. Beaucoup plus petit que celui qui est parti 1h30 plus tôt. Est-ce qu'il y aura assez de place pour tous? Combien peut-il contenir? D'autres réservés vont-ils arriver?

19h30. Le ferry est à quai. La barrière d'admission à l'embarquement et de nouveau fermée. Nous comptons lentement les véhicules qui débarquent. 35 en tout. Et nous sommes 30 à vouloir monter. Premier soulagement : ça devrait le faire. Oui, mais il y a de gros véhicules, qui prennent plus d'espace, sans compter la caravane. Tiens, une autre voiture arrive. Discussion animée ente le chauffeur et l'employé à la barrière. Il lui montre un ticket. Est-ce un réservé qui arrive trop tard pour le check-in ? probablement. L'employé le fait se ranger derrière nous.

19h45. Les véhicules sortant ont libéré la place, ce sont les réservés qui entrent dans le bateau. Le niveau de stress remonte. Ils avancent si lentement qu'on dirait qu'ils le font exprès.

19h50. Les premiers véhicules non-réservés avancent. Nous rallumons tous nos moteurs et progressons au rythme de l'autre employé qui récolte les billets en même temps qu'il autorise les voitures à s'avancer sur le pont. Tous les 2 ou 3 véhicules, il parle au talkie, certainement pour voir où ils en sont, niveau remplissage. Les voitures avancent et disparaissent dans le bateau. Plus que 3 devant nous, puis deux, puis une. Elle s'avance et disparaît à son tour.

Nous sommes les suivants. L'employé me fait signe de m'arrêter. Il recompte ou rescanne tous ses billets, l'andouille, je suis à deux doigts de l'arrêt cardiaque. Il prend son talkie et je l'entends expliquer qu'il lui reste plus que deux véhicules, puis décrire le nôtre. Ford fiesta blanche. L'attente est insoutenable. Il s'écarte de nous, va au bout de l'embarcadère, parle un peu plus, et revient vers nous. Nous testons les différents états de la matière: A cet instant, nous sommes liquides. Non, nous nous vaporisons doucement dans l'air comme des glaçons jetés sur une plaque brûlante.
Il nous fait un signe expéditif de la main : "OK, allez-y!". C'est à ce moment-là que nous nous liquéfions, instantanément. J'avance doucement vers le pont du ferry. Tous les véhicules y sont garés en colonnes approximatives, beaucoup d'espace est perdu sur les côtés, ils ne demandent pas aux gens de faire de grandes manœuvres sur le bateau. E c'est ainsi que nous venons nous insérer tout doucement, comme la dernière pièce d'un puzzle dans un espace assez grand pour notre Fiesta, collés à un 4x4. Les types me dirigent, puis font signe de m'arrêter, discutent entre eux. L'un passe derrière. "C'est bon tu crois? Moi je suis bon devant" et le reste est incompréhensible. Le calvaire n'est pas fini. Ils ne vont quand même pas nous faire ressortir ! Tant qu'on peut fermer le pont arrière, qui doit se relever, tout va bien, non ?
Nous restons peut-être 2, trois minutes assis dans la voiture, moteur au point mort, à attendre le verdict. Puis Olivier se lève, sort et les apostrophe : "C'est bon? On peut sortir?" et les autres de répondre que oui, oui, c'est bon, pas de soucis. OUF.

Nous avons une véritable pensée émue pour le type derrière nous avec sa mère, probablement, qui n'acostera pas ce soir sur l'île de Mull, alors qu'il avait probablement un billet. Être la dernière voiture de la file et se voir refuser la traversée doit être éprouvant. Si nous étions arrivés après lui, c'était nous sur le quai. Si une seule autre voiture avait réservé son billet, nous restions à quai ce soir... nous poussons un soupir de soulagement, Olivier éclate de rire, moi je n'y crois pas encore.

"Putain, c'te grosse moulasse, quand même!!" Désolé pour le langage, mais c'est tout à fait ça. Depuis le Portugal, nous avons remarqué que dès que je suis au volant, nous sommes très souvent pour ne pas dire tout le temps bénis des Dieux pour ce qui est de trouver une place de parking. Dans la ville la plus encombrée qui soit, dès que nous avons besoin de nous arrêter, nous trouvons toujours une place juste là où nous avons besoin. Immédiatement. Un truc de malade. La chance vient encore de nous sourir.

 

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APPARITIONS

 

Il est 20h45 et dans un quart d'heure, plus personne ne nous servira à dîner. Nous nous jetons sur le premier pub que nous voyons au débarquement du ferry. Le Craignure Inn, du nom de la ville d'arrivée, nous semble parfait. Nous nous garons et pénétrons dans le petit cottage aux murs blancs comme toutes les maisons ici, l'ambiance est très conviviale. Le pub, encore une fois comme presque tous les pubs britanniques, est sombre, lumière tamisée, avec uniquement le bar et le tableau de fléchettes éclairés. Les murs sont en pierre noire, de vieux objets chinés tel un joug transformé en miroir, une comtoise décorent l'ensemble. Le plafond est bas, sombre. Là, de vieux outils agricoles sont accrochés. Musique branchée en sourdine, discussions animées sur un fond de machines à pression. Un pub, quoi.

Le repas ingurgité est payé de justesse car depuis peu nos deux cartes de crédit sur le compte commun refusent de fonctionner. Fonds insuffisants, qu'elles disent, alors que nous sommes largement au-dessus du 0. Bref, B for Bank devient B for Blaireaux. Mais ça, on s'en occupera après le voyage. Nous filons. Nous avons 45 minutes de route pour rejoindre l'hôtel de ce soir. Un vrai hôtel, la seule chambre que j'ai pu trouver sur l'île, à l'autre extrémité, au sud-ouest : Bunessan. J'ai appelé les gens avant de monter sur le bateau pour les prévenir qu'on ne viendrait peut-être pas. Puis après, une fois embarqués, pour leur confirmer qu'on viendrait et qu'on arriverait vers 22h. Nous sortons du pub à 21h45. Nous n'y serons pas avant la demi.

L'île de Mull est beaucoup, beaucoup plus sauvage que Skye. Dès le départ du pub, nous roulons sur une single-track road, avec ses passing places, ses niches, de part et d'autre de la chaussée. Par chance, il n'y a personne à cette heure. Nous roulons quasiment au maximum autorisé, 60m/h (90km/h) qui devient vite le maximum possible, compte tenu des virages. Pas une lumière. Pas une habitation sur des kilomètres. Nous roulons dans un autre temps, un autre monde. C'est incroyable. Des miles de lande sombre défilent sous nos roues, des forêts encore plus noires, dominées par des silhouettes de monts fantômatiques, au loin, et pas âme qui vive, si ce n'est les grenouilles qui se jettent sous nos roues.

C'est Olivier qui conduit. Nous discutons de tout et de rien. Soudain, on voit sur la route une bête immobile, debout, qui nous regarde : un chevreuil! Olivier écrase le frein, je m'étouffe dans une inspiration idiote pour faire arrêter moi-même la voiture, et la bête disparaît en deux coups de pattes gracieux. Wow. On va ralentir un peu quand même. Le paysage est aussi noir que de l'encre, c'est à peine si l'on distingue les reliefs naturels.

Une autre fois, quelques minutes plus tard, c'est un groupe de deux ou trois biches ou chevreuils, encore, qui se trouvent sur la chaussée, mais nous sommes moins surpris et ralentissons prudemment. C'est la troisième rencontre qui nous scie littéralement. Je ne te mens pas, lecteur, mais encore une fois, au détour d'un virage... une apparition. Un cerf magnifique, élancé, aux bois majestueux se tient là, à quelques dizaines de mètres de nous, dans nos phares et nous toise fièrement de sa position. On pousse un "OOhh!" d'admiration. Jamais nous n'en avons vu un d'aussi près, dans pareille situation. Même en allant les écouter brâmer chaque année dans les forêts du Médoc, nous n'avons jamais vu une bête aussi spendide.

Puis il fait un pas, puis deux, puis saute sur le bas-côté, néanmoins curieux car il n'a de cesse de nous regarder. Il s'arrête de nouveau. Nous aussi... Je baisse ma vitre côté passager et on se regarde. Sublime apparition. Puis il s'enfuit en sautillant vers l'orée du bois, non loin, se retourne une dernière fois, nous regarde, il y a quelque chose de véritablement proche de nous dans son attitude défiante et curieuse à la fois. Puis il tourne le dos et on ne voit plus que sa queue blanche s'évanouir dans l'obscurité. Moment intense.

Les moutons qui nous bloquent le passage quelques instants plus tard, à l'arrivée dans Bunessan, peuvent aller se faire tricoter la laine. Même le petit adorable qui reste planté devant la voiture, en train de ruminer, et qui attend sans se frapper que nous soyions à l'arrêt pour daigner tourner la tête et libérer lentement la chaussée, ne vaut pas un clou. On a eu une apparition, nous, ce soir.

Les émotions ne nous quitteront pas jusqu'au coucher. Nous arrivons à l'heure prévue par le GPS. Le gérant, un papi taciturne ou juste fatigué, nous attend. A peine entrés dans le hall, il apparaît dans l'escalier et nous lance : "Oh, you made it then!" (Finalement, vous y êtes arrivés!"). Il nous montre en deux/deux la chambre, nous informe de l'heure du petit déjeuner et disparaît. Nous ne pensons pas à lui demander le code wifi. Il y a 0 signal de 3G ici. Pas même le téléphone. Et nous découvrons en montant les affaires que nous aurions bien besoin d'un téléphone, pour appeler le Craignure Inn, où nous avons dîné. Olivier vient de se rendre compte qu'il y a oublié son chèche... et son sac d'appareil photo.

 

 

 

 

 

 

 

 Notre Avis sur 5 

 ... qui n'engage que nous!

 

Chase the Wild Goose Hostel, Fort William : 😡

❌  Petit, pas super clean, cuisine pas pratique.

Glenfinnan Viaduct & Jacobite Train🤩🤩🤩🤩

✅  Magnifique ouvrage et panorama sur le loch + spots de tournage de Harry Potter avec le train. Bien se renseigner sur les heures de passage du train (et dans quel sens, pour les puristes!)

❌  Abords non aménagés, mais ce n'est peut-être pas un défaut après tout...

Mallaig🤩🤩🤩

✅   A voir, pour la petite ville et le terminus du Jacobite Train (on peut aller directement sur le quai pour le voir de plus près).

Castle Stalker🤩🤩🤩🤩

✅   Adoré! Oui, encore un château, mais l'un des plus célèbres et photogéniques d'Ecosse!

 

 

 

 

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Pourquoi "Ways and Days"?

Ways, c'est "chemins" en anglais. Et days, jours, bien sûr.

A travers ce blog, je partage ma double passion : la photographie et les voyages. Rien de bien extraordinaire, évidemment, mais ce ne sont pas de simples voyages "géographiques" qui me font parcourir des chemins aux quatre coins du monde, même si l'attrait est évident. Je fais également de la photo d'UrbEx, c'est à dire d'exploration urbaine, qui m'entraîne à découvrir des lieux abandonnés : capter le souvenir de cette vie passée, de cette agitation qui n'est plus, capturer les traces du temps, de ces jours, de ces années, envolés, le délabrement progressif des murs, des meubles, des objets oubliés, ces atmosphères pétrifiées, imaginer des vies souvent d'une autre époque, penser à ces âmes qui ont un jour parcouru ces lieux constitue pour moi autant de voyages temporels.

Chère lectrice, cher lecteur, tu trouveras une partie photos avec des galeries d'images, et aussi, si tu es plus intéressé(e), une partie carnets de voyage, ou tu pourras lire le récit au jour le jour de nos péripéties à l'étranger. Une dernière partie sera consacrée à l'UrbEx.

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