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7.45. J'ouvre les yeux. Du moins j'essaye. Un maçon est venu cette nuit et m'a cimenté les paupières, le bougre, et je n'arrive pas à les desceller. Je n'ai bu qu'une bière hier soir et j'ai pourtant la sensation d'avoir avalé un tonneau de rhum entier. Vaseux, je me redresse et vois Pentax en train de trier ses photos pour faire de la place sur ses cartes mémoire déjà presque pleines.

Douche salvatrice et petit-déjeuner rapide dans le salon du chalet de ski à la déco encore très trendy, avec en particulier un ensemble canapé-fauteuils style rétro bien moelleux. Mais on n'est pas là pour parler déco. Nous finissons, chargeons les sacs et reprenons la route pour poursuivre notre exploration de cette deuxième région de l'île : le Nord.

 

GOÐAFOSS

 

Nous commençons par Goðafoss, la Cascade des Dieux, ainsi nommée car en l'an 1000, le lögsögumaður, le législateur, qui au passage était tenu de mémoriser et réciter chaque année toutes les lois du pays, fut contraint de prendre une décision au sujet de la religion islandaise. A l'époque, les Islandais suivent les préceptes de l'Ásatrú, avec son panthéon de dieux nordiques comme Óðinn, chef des dieux et Dieu borgne de la Guerre et de la Poésie, ou Þór (Thor), celui des vents, du tonnerre, de l'orage et des désastres naturels. Donc en l'an 1000, ce bon vieux Þorgeir demanda 24 heures pour prendre sa décision. 1 jour après, il décidait que l'Islande deviendrait chrétienne. En rentrant dans sa ferme, il jeta donc ses statues des dieux païens dans la cascade non loin, qui fut nommée par la suite Goðafoss.

 


 

 

Mon Lonely Planet la décrit comme la plus belle des cascades islandaises, soit. Nous ne sommes pas impressionnés, voire même un peu déçus. Effectivement elle n'est pas très imposante comparée à d'autres, et elle est belle, mais voilà, quoi. Pas de quoi passer une heure à la photographier.

Deux heures plus tard, nous finissons nos photos et nous retrouvons au magasin de souvenirs. Nous tournons et virons un moment avant de voir l'heure : 14.30 ! Il est plus que temps de partir pour le lac Myvatn et ses décors lunaires.

 

LE LAC AUX MOUCHERONS

 

Le temps n'était pas génial depuis le départ mais là, ça tourne carrément à la catastrophe. Le ciel est bas et la pluie commence à tomber. Pas énormément, mais assez pour nous faire chuter le moral dans les chaussettes. Les essuie-glaces se mettent donc à couiner en rythme alors que nous approchons du lac. Nous décidons d'attendre un peu et de manger dans la voiture, comme deux miséreux. On se gare sur le bas-côté, à l'arrache, comme d'habitude, et on ouvre le coffre, qui sert de penderie et de frigo depuis le début de nos aventures.

Nous commençons à piocher dans nos sacs lorsque je sens un léger bourdonnement près de mon oreille droite. Je chasse la bestiole d'un coup de main... et la vois instantanément devant mon nez. Je veux bien croire que c'est rapide, mais là, c'est une prouesse, limite quantique. Je n'y prête plus attention jusqu'à la minute suivante ou je ne vois pas moins de quatre moucherons sur le plafond du 4x4 !

L'invasion a commencé. On savait que "Myvatn", le nom du lac, signifiait "le lac aux moucherons", et ma parole, je peux te certifier, lecteur, qu'il mérite bien son nom.

Attirées par le CO2 que nous produisons, des nuées de moucherons viennent s'enfermer avec nous dans la voiture, alors que nous nous dépêchons de prendre notre nourriture dans le coffre pour revenir dans l'habitacle et fermer les portes. Ils ne piquent pas, ils sont juste là pour faire chier, pardon du langage. Ils se collent aux vitres, nous tournent autour des yeux, des narines, des oreilles, c'est une horreur. Chaque fois que nous ouvrons les portes, la nuée intérieure sort pour laisser la place à une nouvelle fournée de jeunes moucherons qui ne semblent être nés que pour vivre cet instant qui, concédons-le, doit correspondre au nirvâna d'une vie de moucheron.

La pluie tombe toujours. La buée se forme sur les vitres, ces imbéciles de moucherons viennent se coller lamentablement à la paroi, croyant voler vers l'extérieur. Et nous mangeons nos biscottes wasa ou tranches de pain polaire avec des boîtes de maquereau à la tomate... Les gens sont mieux traités en Corée du Nord, c'est certain. Fou rire déprimé, car aujourd'hui était censé être un jour de randonnée à l'est du lac. Bien vu. La pluie ne cesse de tomber et le ciel est gris, on ne voit que des silhouettes de volcans à l'horizon. Il faut aviser : que fait-on?

Nous avions un premier volcan à gravir qui nous offrait une vue splendide sur toute la région, le lac, les champs de lave, les cratères et fumerolles... On tire un train dessus, d'autant plus que l'ascension devait prendre une heure. On passe au plan B : le plan de l'après-midi, et ça tombe plutôt bien, il est un peu plus de 15h.

Cet après-midi, nous avions prévu de faire cette petite randonnée tant attendue car très prometteuse en termes de photos. Nous optons pour la sécurité : nous allons d'abord voir la faille et ses deux cavernes inondées, soit en voiture, soit à pied. La pluie s'arrête par intermittence depuis quelques minutes, puis cesse de tomber. Nous garons la voiture au départ du sentier et nous partons le long de cette faille. Cette zone sismique toujours en activité est partiellement recouverte d'une coulée de lave datant de 1727, d'une épaisseur incroyable et qui s'est rompu sur une profondeur de 10-15 mètres. Le sous-sol s'est par endroit rempli d'une eau sulfureuse naturellement chauffée.

La première caverne que nous découvrons, Stóragjá, est donc au fond de cette faille et on y accède par des escaliers aménagés. Mon Lonely m'informe que la température de l'eau est de 28 degrés mais que l'on ne peut pas s'y baigner car le développement d'algues la rend toxique. Je ne sais pas vraiment qui voudrait s'y baigner d'ailleurs, elle est plutôt sinistre. On y accède par un trou entre plusieurs rochers monumentaux. Une échelle y a été installée, attachée par une corde (c'est rassurant), qui descend jusque sous la surface de l'eau. Le bassin naturel doit faire 3 ou 4 mètres de long par deux de large. L'eau y est limpide mais la caverne très sombre et basse de plafond est peu engageante. Je descends quand même à l'échelle pour toucher l'eau et prendre quelques photos avec l'appareil et le trépied autour du cou car il y a vraiment très peu d'espace pour se déplacer. Puis nous poursuivons le sentier pour aller voir la seconde caverne, plus belle apparemment.

Nous marchons depuis 20 minutes au moins et rien. Pas de caverne, pas de panneau, plus un mouton non plus, alors qu'on en voit partout en général. Le sentier traverse une zone champêtre, on se croirait dans un tableau : des tertres avec des massifs naturels de fleurs d'une teinte violette électrique, des herbes de tous les verts et des arbustes tordus nous accompagnent, mais point de caverne en vue. Nous arrivons même à un moment sur la route principale.

Demi-tour. En chemin, nous croisons une Allemande qui nous demande si c'est bien la direction de la caverne... Nous lui expliquons que non et elle nous emboîte le pas pour revenir au parking. Finalement, c'est au parking que nous nous rappelons qu'il y avait un second panneau indiquant la direction de Grjótagjá. Quand je te disais, lecteur, que c'était une journée de m...

Cette seconde caverne est bien plus belle effectivement. L'eau d'un bleu turquoise sent le soufre comme partout ici, même en extérieur, et est d'une limpidité à tomber dedans, encore une fois. Il est par contre interdit de s'y baigner aussi, non parce que des algues la rende toxique mais parce que depuis une éruption dans les années 80, sa température est montée jusqu'à 60 degrés pour redescendre à son niveau actuel : environ 45 degrés. Un peu plus chaud que nos bains naturels à Drangsnes.

 

 

C'est vrai, l'eau est chaude, c'est marrant. Ce qui l'est beaucoup moins, c'est les gens. Des bus entiers déversent des touristes en K-way, des gamins qui braillent, des mamies qui se traînent et qui bloquent le passage.

Nous réussissons néanmoins à faire quelques photos sympa dans cette grotte immergée qui laisse paraît-il entrer quelques rayons de soleil lorsque la météo est clémente. Le spectacle doit être magique. Mais pas pour nous, donc nous partons. [note du futur - 2019 : cette grotte a été reconstituée en studios pour tourner les scènes du nid douillet de Jon Snow et Ygritte, au delà du Mur, dans la série Games of Thrones - s05x03].

Suite du plan B : le volcan Hverfell (je ne sais pas comment ça se prononce). En fait un cratère gigantesque en haut duquel on peut grimper. La montagne est noire. Le chemin pour y accéder en voiture est noir également. Tout autour, des restes de coulées magmatiques au formes tordues, empilées. Des trous, des enchevêtrements, tous noirs. On se croirait soudain sur la lune, c'est fantastique. Le paysage change en une centaine de mètres. Et plus nous prenons de la hauteur, mieux nous voyons la coulée de lave dans son ensemble, au loin à moitié recouverte de végétation, mais ici, noire.

 

 

L'ascension au sommet puis le long de la crête jusqu'au plus haut point nous prend trois bons quarts d'heure. Le vent souffle de plus en plus et se mêle à la pluie pour me confirmer que cette journée est bel et bien une journée pourrie. Pour preuve : j'ai failli perd mon bonnet !

Le paysage au sommet est quand même magnifique, même si l'horizon est bien encombré. De lointaines montagnes ou volcans ou quelconques formations rocheuses jouent à cache-cache avec la brume, tantôt éclairés par un pâle rayon de soleil, tantôt enveloppés dans un nuage gris. C'est beau. J'ai l'impression d'être dans le Seigneur des Anneaux. Au loin, on peut voir des fumerolles sortir du sol, là-bas les roches sont ocres, rouges, on se croirait dans le Mordor.

 

 

Mais point d'anneau à faire disparaître dans le magma, notre seule mission à ce moment-là est de redescendre au 4x4 pour contourner le Hverfell et arriver enfin à la guesthouse pour se poser. Une tour par le supermarché pour faire les courses du lendemain et nous voilà à la réception. Il est 20.40 et il est indiqué qu'elle ferme à... 20h. Chidambaram. Un plan C, quelqu'un ?

Mais notre hôte a tout prévu et sur le comptoir, une feuille manuscrite est posée avec une clé dessus : "Cher Olivier, bienvenu chez nous ! Vous êtes logés au chalet n°2 (plan joint). A demain matin pour le petit déjeuner (entre 7.30 et 10.00)". Sympa.

Nous avons payé le prix fort pour cette chambre si près du lac, car tout le reste était soit hors de prix soit déjà loué. Nous avons donc une chambre-chalet, avec salle de bain privée et vue sur le lac. Cool !

Repas rapide, non pas au restaurant car on a la flemme de ressortir et il n'y a rien ici. Nous mangeons dans la salle commune. Attention, lecteur ! Ne va pas croire que nous avons un chalet divisé en 4 chambres avec une cuisine et une salle à manger commune, non, non, non. Les chambres sont toutes de petits chalets disposés autour des salles communes. Voilà pour le décor.

Nous finissons la soirée en mangeant des nouilles chinoises infectes et nos achats du soir, et je me maudis sur quelques générations pour ne pas encore avoir pensé que l'on pouvait s'acheter des aliments à cuire, puisque nous avons une cuisine à disposition. Les autres voyageurs qui viennent manger peu de temps après dans la salle ont tout prévu : vin, saumon, riz. Une torture.

Et dire qu'on aurait pu aller au restaurant...

 

 

 

 

 

 

 

 

 Notre Avis sur 5 

 ... qui n'engage que nous!

 

Goðafoss : 🤩🤩🤩🤩

✅  Belle cascade, assez photogénique. Pas la plus inoubliable malgré son nom (la cascade des Dieux) mais à voir.

❌  Touristique.

 

Lac Myvatn : 🤩🤩🤩🤩

✅  Pas vraiment exploré car sous la pluie, mais cela promettait des vues magnifiques...

❌  Infecté de midges, s'armer de patience (ou de répulsif).

Grottes Stóragjá & Grjótagjá : 🤩🤩🤩🤩🤩

✅  Incroyables grottes, couleurs hallucinantes à Grjótagjá, très photogénique.

❌  Impossible de s'y baigner, eau toxique ou trop chaude. Attention, peuvent être assaillies de touristes.

 

Randonnée volcan Hverfell : 🤩🤩🤩🤩

✅  Magnifique paysage de pierres et sable noirs, un volcan incroyablement beau, même par temps pluvieux comme pour nous. Accessible à tous, niveau facile.

 

 

 

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Pourquoi "Ways and Days"?

Ways, c'est "chemins" en anglais. Et days, jours, bien sûr.

A travers ce blog, je partage ma double passion : la photographie et les voyages. Rien de bien extraordinaire, évidemment, mais ce ne sont pas de simples voyages "géographiques" qui me font parcourir des chemins aux quatre coins du monde, même si l'attrait est évident. Je fais également de la photo d'UrbEx, c'est à dire d'exploration urbaine, qui m'entraîne à découvrir des lieux abandonnés : capter le souvenir de cette vie passée, de cette agitation qui n'est plus, capturer les traces du temps, de ces jours, de ces années, envolés, le délabrement progressif des murs, des meubles, des objets oubliés, ces atmosphères pétrifiées, imaginer des vies souvent d'une autre époque, penser à ces âmes qui ont un jour parcouru ces lieux constitue pour moi autant de voyages temporels.

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